« Where is my mind? »

Way out in the water, see it drowning

Arabella haletait, se tournant et se retournant dans son lit. Elle rêvait des rues vides de Galway, de la Bête qui la poursuivait, de toutes les personnes qu’elle avait le plus détesté. C’était un ramassis des pires choses de sa vie. La celte se sentait plus oppressée que jamais et sa respiration saccadée devint finalement entrecoupée de sanglots paniqués. Sous le secret de ses paupières closes, il y avait Terrence. Il la regardait, avec son sourire carnassier. Tout était là, comme avant. La douceur, la tendresse, la passion et ces nuits ensemble. Puis il y avait le reste. La violence, la douleur, les larmes et la colère. Deux années avec lui où elle avait été l’ombre d’elle-même, soumise à son courroux. Il était bien le seul qui était arrivé à la soumettre et ce n’était très certainement pas pour le meilleur. Il s’approchait d’elle désormais et se penchait pour l’embrasser, alors qu’Ara était aussi tenaillée par l’envie que par la terreur. Ses quelques cicatrices de leurs altercations semblaient brûler de plus en plus à chaque centimètre de distance brisée.

La jeune femme tenta de le repousser avec véhémence, mais ses bras n’avaient plus aucune force. Toute sa volonté y était, ses bras s’exténuaient  contre le torse du blond mais rien n’y faisait. L’impuissance venait de la gagner et ses sanglots devinrent des pleurs et des cris, alors que les lèvres de l’ancien Serdaigle n’étaient plus qu’à un ou deux centimètres des siennes. Elle l’entendit murmurer à répétition « You’re mine. All mine. Only mine. » et un haut le cœur la prit juste avant de se sentir secouée. Est-ce que c’était lui? Non, le monde entier s’était mis à trembler. Qu’est-ce que- …

Soudain le monde passa au noir et la rousse se sentit aspirée sans que les secousses ne s’arrêtent pour autant, c’était à en donner la gerbe. Pourtant après une seconde à peine, la lumière revint, basse et chancelante derrière une silhouette. Ara eu d’abord un mouvement de recul frénétique, pensant que Terrence l’avait retrouvée, avant de reconnaître sa colocataire et meilleure amie. Qu’est-ce que Cassie faisait là? Elle était presque jamais dans ses cauchemars pourtant, comme la plupart de ses amis, comme Ace et Sirius… est-ce qu’elle rêvait encore d’ailleurs? Elle cligna plusieurs fois des yeux, s’habituant au changement d’éclairage et reconnu sa chambre, les murs et les torchères qui baignaient la pièce d’une lumière basse et chaleureuse. Une fois rassurée sur la réalité de l’endroit, Ara se fixa finalement sur la voix de son amie, qui lui réitérait sans cesse sa demande d’explications, mais ne tiqua que lorsque l’ancienne Serdaigle lui repoussa une mèche de cheveux rousse de devant son visage.

« C’était encore un de tes cauchemars, c’est ça? » dit-elle avec une voix rassurante, qui sonnait presque maternelle aux oreilles d’Ara
« Oui, je… désolée, je voulais pas te-te réveiller c’est jus- » sur ces mots, la rouquine aperçut une ombre qu’elle avait déjà vu quelque part et qui semblait l’observer. « J’reviens j-j’ai besoin d’aller prendre l’air! »

Sans attendre les protestations ou même l’accord de Cassie, elle sauta hors de son lit et partit d’un pas rapide dans le couloir. Son cœur battait la chamade et elle se sentait capable de tomber à tout moment tant elle était tremblotante. Et cette ombre qui la suivait… Arabella n’avait même pas à regarder derrière elle, c’était clair qu’elle était là. La rouquine pouvait sentir cette présence surréelle, presque comme si elle lui brûlait le dos. Il n’y avait nulle part où elle réchapperait à cette chose, la sorcière savait bien qu’elle n’avait pas d’issue. Pourtant ça ne l'empêchait pas de courir comme une dératée et de gravir les escaliers un à un, comme si une ascension l'aiderait, que ce qui la poursuivait aurait peur des hauteurs. La seule issue que la rouquine trouva fut de trouver refuge dans l'observatoire d'Astronomie, l'endroit était baigné de la lumière de la lune, ça ferait fuir les ombre, non?

A bout de souffle, elle ferma la porte de l'observatoire à clé avant de se réfugier dans un coin de la pièce, assise et la tête entre les genoux. Elle couvra sa tête de ses mains et se mit à se balancer d'avant en arrière. Son crâne lui faisait si mal que c'était à croire qu'il s'ouvrirait en deux. Sans même la voir, sans même être près, Ara pouvait sentir l'ombre se glisser lentement et s'acheminer devant la porte de l'observatoire. Elle pouvait presque l'entendre. Pour faire taire cette illusion, la rousse se mit à murmurer, se concentrant sur ses paroles qu'elle répéta tel un mantra.

« Si tu n'y crois pas ça s'arrêtera. Si tu n'y crois pas ça s'arrêtera. Si tu n'y crois pas ça s'arrêtera. Si tu n'y crois pas ça s'arrêtera. Si tu n'y crois pas ça s'arrêtera. Si tu n'y crois pas ça s'arr- »
« Arabella, chérie. On dirait un vieux disque rayé. Relève la tête et constate par toi-même, je suis là. »

La voix qui venait de s'élever dans la pièce était familière, assurée et profondément troublante. Tout le satin de cette voix agissait comme de la fibre de verre sur Arabella, qui frissonna et osa de peu relever la tête. Il n'y avait pas de doute, elle était la La Bête. Féminine et sauvage, effrayante et sanguinaire. Pas dans un reflet de miroir, pas facilement détectable comme une illusion. Non, elle était la, elle pouvait le jurer La Bête était devant elle, avec les même volutes de fumée noire à ses pieds.

Elle lui ferait payer de l'avoir réduite à un reflet pendant si longtemps, c'était le début du cauchemar.