Heure : 23h13
État Physique : Doigts engourdis, jambes lourdes, visage bouillant, sourire béat.
Conclusion : État de sobriété quasi nul.

Tout allait comme sur des roulettes, exactement comme elle l'avait prévu. À peine cinq heures après avoir débarqué du portoloin de Vancouver, Charlie commençait du bon pied sa nouvelle vie d'universitaire «anglaise» dans ce trou perdu où personne ne la connaissait.  Tout était parfait.

Elle s'était rendu naturellement là où il y avait le plus de bruit, un vieux pub traditionnel écossais surnommé étrangement «bean sith keening»... D'ailleurs, il allait définitivement falloir qu'elle se renseigne sur la signification de ce nom étrange à ses futurs nouveaux amis. Car futurs nouveaux amis il y aurait, elle le savait, elle s'en était fait la promesse après tout!

Installée au bar de la Banshee, la jeune Maxwell, du haut de ses 20 ans enfilait les shots qui défilait devant elle sans trop se poser de question. Peut-être même que certain d'entre eux n'était que de l'eau, voir du jus de fruit, elle ne saurait le dire, quoi qu'il en soit, s'il était devant elle, il était sien et en moins de quelques seconde, il n'était plus.

L'extase de vivre sans barrière était à son comble, ici, pas de limitation, elle allait vivre une nouvelle vie, être tout simplement une nouvelle Charlie et vivre son VRAI premier amour.  OUI.

«Géant à deux heures, géant à deux heures!  Charlie, c'est le temps de tenir tes résolutions!» Dans sa tête, c'était le paradis.  Un garçon venait de s'installer à côté d'elle.  Un VRAI garçon... pas de ses mioches imberbes boutonneux et stupide qu'y avait l'habitude de venir l'aborder normalement.  Non, un HOMME – même – grand, beau, ohh...

Il fallait définitivement qu'elle ferme la bouche... et ce subtilement, chose qui était évidemment impossible à faire lorsqu'on fixait quelqu'un à trente centimètre du visage avec un regard ahuri et un filet de bave tout près de couler sur le côté de sa bouche... - en fait, elle espérait vraiment ne pas ressembler à l'idée qu'elle se faisait d'elle même en ce moment même, car il y aurait de forte chance que l'homme idéal venu s'installer en face d'elle prenne ses jambes à son coup pour ne plus jamais revenir...  soupire intérieur.

« C’est la première fois que tu viens ici, n’est-ce pas? C’est toujours dommage de voir une belle demoiselle boire toute seule au bar. Tu permets que je brise un peu ta solitude? »

Elle rêvait, c'était certain.  Impossible qu'il en soit autrement. Est-ce... est-ce qu'il était en train de la DRAGUER?  Était-ce vraiment ce qui était en train de se produire?  Non... sûrement une forme de politesse Écossaise, oui oui.

« Je m’appelle Ian. Ian Bale, enchanté. »

Charlie fixa la main devant elle et rougit d'un seul coup – alors qu'elle croyait qu'il lui était impossible d'être plus rouge qu'elle ne l'était déjà dût à l'alcool.  Tendant sa main lentement, alors que ses yeux brillaient d'excitation, la jeune femme agrippa la main de Ian avec vigueur, bien trop exciter pour ce souvenir qu'elle devait avoir l'air d'une jeune femme douce et charmante, et non pas d'une campagnarde trop saoule qui ne savait pas comment serrer la main des gentilshommes.  

Bref, je m'égarre.

«J... CHARLIE. uh... Charlie Maxwell!»

Il était parfaiiiiiiit!

Se déplaçant un peu de son siège, elle sourit largement à Ian en hochant la tête :

« Je... hmm, oui, enfin, je suis ici depuis peu.» pour ne pas dire quelques heures... «Mais toi, visiblement, tu dois venir très souvent pour savoir que j'suis pas du coin...!»

Répétition de sa phrase dans sa tête... merlin, elle était horrible cette réplique!  Mince, trop tard... Il allait définitivement falloir qu'elle apprennent à prendre plus son temps pour répondre

« J’aimerais pouvoir dire que ce n’est qu’à cause que j’ai une bonne mémoire, mais je suis convaincu que je viens trop souvent ici pour la santé de mon foie. »

Le ton de sa voix avait définitivement quelques choses de particulièrement charmeur.  Au fond de Charlie des petits papillons commençaient lentement à danser la rumba de manière incontrôlable au niveau de son nombril, pourtant, il n'avait rien dit de particulièrement charmeur, il n'était pas en train de lui déclarer sa flamme, il était simplement là, en train de faire tout bonnement la conversation à une parfaite inconnue, à elle.

« Me feriez-vous l’honneur, miss Maxwell, de vous payer un verre? Discuter à sec, le verre vide, c’est toujours moins intéressant. »

Se faire payer un verre?

Les mains moites agrippées à son propre verre vide, son cœur sauta un battement.  Aujourd'hui, c'était sa première sortie solo dans un bar, sa première fois en Écosse, la première fois qu'elle se faisait aborder ainsi, et surtout, la première fois qu'un garçon aussi beau lui offrait quoi que ce soit.  Le regard de la jeune femme se posa sur les mains de Ian, détaillant celle-ci avec fascination, l'esprit totalement ailleurs – l'espace d'un instant, hypnotiser par ses grandes paumes, ses grands doigts fins, ampli de ces images troublantes de celle-ci lui serrant la taille, l'attirant par la nuque.

Elle retient tout juste un soupire, son visage imprégné de tendresse... alors qu'elle ne regardait en fait qu'un main.  Quelle honte!

Revenant à elle dans un sursaut, constatant que Ian devait la voir – et très certainement lire tout ce qui se passait sur son visage – elle rougit rapidement, tentant de reprendre le contrôle de ses expressions.  Se raclant la gorge, elle sourit timidement :

«Eh bien... il serait difficile de refuser une telle offre.  Et puis, on m'a apprit à ne jamais refuser un verre provenant de gentil garçon poli!»

Aussitôt dit, l'envie incontrôlable de se fracasser la tête contre le comptoir était à son comble.  Merlin, il allait la prendre pour une attardée mentale!  En plus elle était déjà bien avancé dans la soirée... oh merlin, pourvu qu'elle ne fasse rien de plus stupiiiiiide.

Wait?  Stupide?  Voyons!  C'était la nouvelle elle qui était arrivé en Écosse, pas l'ancienne Charlie Maxwell ennuyeuse et solitaire!

Dans un petit rire, elle sourit à Ian avant d'ajouter :

« P..pardon, en fait, c'est la première fois qu'on m'offre aussi gentiment un verre...!»

De sa vie.  Toute entière.