Soirée dans les livres [PV Walter][Terminé!]

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Étudier était difficile et demandant et particulièrement fatiguant pour Eileen. Surtout avec cette pluie qui rendait tout gris. Normalement, elle aimait bien contempler la pluie, mais voir un peu le ciel clair lui aurait fait plaisir. Voir la lune et les étoiles, plutôt que ces nuages sombrent qui commençaient sérieusement à lui miner l’humeur. Jetant un regard sur le cahier de notes qu’elle tenait dans une main, Eileen entra finalement dans la bibliothèque, en se dirigeant déjà vers le fond de celle-ci. Elle avait une idée de l’endroit où elle trouverait le manuscrit qu’il lui fallait, mais la bibliothèque n’était pas exactement l’endroit le mieux organisé. Elle y avait réservé sa soirée entière.

L’Irlandaise s'était réjouie de constater qu’il ne semblait pas y avoir vraiment de monde dans la bibliothèque. C’était tant mieux, elle pourrait se concentrer sur ce papier qu’elle devait écrire, profiter du fait que sa journée s’était déroulée sans migraine et relaxer un peu. Relaxer lui ferait le plus grand bien, elle était complètement crevée. Enfin… C’était difficile pour elle de se rappeler un temps où elle était en forme, reposée et simplement bien. Peu importe, ça ne l’empêchait pas d’essayer de réussir et de fonctionner de son mieux.

Trouvant la rangée où le manuscrit devait se trouver, Eileen déposa son cahier de notes sur le sol, ainsi que son épais foulard de laine multicolore qui était, quelques instants avant, enroulé multiple fois autour de son cou. Voilà, elle était prête à commencer. Tout en se faufilant entre les piles de bouquins et de manuscrit, la blonde sourit à elle-même devant le calme imperturbable. C’était reposant de juste se trouver ici à ne rien faire. Elle soupira de contentement, regardant les titres de différents ouvrages susceptibles de l’intéresser. En prenant déjà quelques-uns dans ses bras, la jeune femme revint vers son foulard et son cahier de notes et les empilèrent autour de cet endroit, avant de s’asseoir sur le sol, dos contre l’étagère.

Le premier bouquin s’avéra inutile et le deuxième aussi, mais le troisième contenaient de la très bonne information qu’elle prit en note avec joie. Ça faisait déjà une bonne heure qu’elle était arrivée et il n’y avait toujours personne d’autre dans les alentours. C’était le bonheur total! La demoiselle ferma les yeux pour quelques instants, question de se reposer et d’avoir suffisamment d’énergie pour toute la soirée. Elle voulait vraiment l’écrire ce papier et même si ce n’était qu’une question de prendre de l’avance, ce n’était pas souvent qu’elle était dans cet état. Elle aurait du faire une sieste avant de venir. Juste pour se donner un petit boost et recharger les piles. Quelques minutes de méditation allaient peut-être l’aider.

Prenant une grande inspiration, l’étudiante décida de se mettre confortable, s’étendant sur le dos entre les piles de livres, les yeux fermés et bien décidée à reposer un peu son esprit. Elle fit le vide, prit une grande respiration et plutôt que de répéter le processus comme à son habitude, elle tomba endormie. Aussi simplement. À peine après avoir fermé les yeux, elle dormait comme un bébé, respirant doucement et se mettant inconsciemment plus confortable entre deux piles de livres, repliée sur elle-même en boule. Sa main trouva même son foulard, qu'elle glissa sous sa tête. À croire qu’elle était complètement épuisée…

Walter aimait bien les jeudis soir. Bien plus que les autres, sans compter le week-end, évidemment. Le lundi soir, il allait au lit toujours beaucoup trop tôt, pour se préparer pour sa journée infernale du mardi. Une tisane miel-camomille et un bouquin étaient de mise, quelques coups tirés à sa pipe et il éteignait les feux à 22h à peine. Le mardi, n’en parlons pas. Deux cours directement l’un à la suite de l’autre, de neuf heures à seize heures. Il avait une pause pour manger et respirer un peu, puis c’était direction l’observatoire pour son cours d’astronomie, jusqu’à deux heures du matin. Il en revenait toujours épuisé et trouvait le sommeil trente minutes plus tard, après une douche brûlante. Le mercredi soir était passable, il le passait le plus souvent avec des gens au café étudiant, ou s’en servait pour réviser. Le jeudi soir, parcontre, après son cours du matin, il allait manger un morceau puis se dirigeait vers la bibliothèque pour toute l’après-midi et la soirée. Il aimait ce long quart de travail où il prenait le temps de réorganiser quelques étagères, de profiter de temps morts pour réviser ses propres notes et où il s’amusait à dénicher quelques nouvelles trouvailles littéraires. Et puis, bon, ça restait que cet emploi étudiant lui donnait un petit salaire. En plus de l’argent qui lui envoyait ses parents, ça lui permettait une certaine liberté… Enfin, tout cela pour dire que les jeudis soirs étaient presque toujours agréables.

Mais aujourd’hui… Aujourd’hui, ça avait été infernal, rien de moins. Aussitôt était-il entré dans la bibliothèque pour commencer son quart, à quatorze heures, qu’il constata le chaos le plus complet. Les livres étaient tous sans dessus dessous, reposant un peu partout sur les faibles étagères et le sol. Certains livres étaient tachés, déchirés, déchiquetés. Et la bibliothécaire, derrière son comptoir, qui avait littéralement les larmes aux yeux. D’ailleurs, elle se mit presque à pleurer de soulagement en voyant son assistant entrer. C’était la faute des Unseelies, disait-elle. Elles étaient entrées en petit groupe vers midi et avaient tout saccagé, tirant même les cheveux des étudiants qui tentaient de réviser! Le jeune homme avait soupiré, réconfortant la dame de quelques mots avant de se mettre au travail pour que tout rentre dans l’ordre. Enfin, le plus d’ordre possible. Au bout de quelques longues heures, de trois thés, deux cafés, quelques lampées de whisky dissimulé dans une flasque, et d’une dizaine de coupures dues aux ouvrages qu’il tentait de secourir, les choses avaient retrouvé une organisation tout à fait potable. Les allées n’étaient plus obstruées, les livres avaient retrouvés leurs sections respectives. Un coup d’œil à l’horloge indiqua au ténébreux qu’il était déjà 19h. Un repas s’imposait. Durant sa pause, il fila rapidement à la cafétéria pour manger un morceau et pour fumer. La récompense du combattant.

À son retour, il put finalement prendre un peu de temps pour lui. Entre les occasionnels tours d’allées pour replacer des livres, Walter dénicha un nouveau roman et en commença la lecture le dos appuyé contre un mur. Le temps passa, les feuilles se tournaient régulièrement, et éventuellement le Todhchai sorti de sa torpeur en entendant quelque chose grouiller doucement dans la rangée parallèle à celle où il s’était dissimulé. Le noiraud ferma son livre et, le plus subtilement possible malgré sa taille, se faufila jusqu’à l’autre rangée. Il chercha une présence des yeux, sceptique, mais ne la trouva pas… Jusqu’à ce que son regard gris-bleu vienne se poser au sol. Une fille endormie sur le sol, à poings fermés, sa tête reposant sur une écharpe. Walt figea un instant. Il n’aimait pas du tout ce genre de situation. Prenait-il le risque de la déranger pour lui permettre de trouver un lit plus confortable, ou fallait-il la laisser dormir sur le sol? Ses dents se refermèrent sur sa lèvre inférieure. Saleté de dilemme… Il lâcha un petit soupir puis s’approcha de la jeune femme de quelques pas. Une fois à ses côtés, il s’accroupit, hésita encore quelques secondes avant de venir poser sa main sur l’épaule de la dormeuse. Ses joues étaient déjà d’un rose vif. Ça ne se fait tout simplement pas, déranger les gens qui dorment. Elle avait l’air si paisible.

« Euh… Je… Miss? Ma-Mademoiselle? Vous… Tu… Vous voudriez peut-être aller d-dormir quelque part de plus conf… confortable. »

Il se risqua même à lui sourire.

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Parfois, Eileen se réveillait et arrivait à peine à comprendre les rêves qui avaient animé son sommeil. Ces nuits-là, n’étaient jamais ses favorites. Les cauchemars et autres mauvais rêves n’étaient vraiment pas communs pour elle, mais même avec un bon rêve, elle n’avait généralement pas l’impression d’être bien reposée. Ce qu’elle voulait, c’était des nuits sans aucun rêve, juste noires et parfois, elle se réveillait avec l’impression d’être en forme. Heureusement pour elle, cette fois-ci en était une. Elle dormait, il ne se passait rien du tout et elle se réveillerait avec l’esprit clair.

Pendant cette sieste, l’Irlandaise avait trouvé un moyen de se mettre le visage dans son foulard, comme s’il s’agissait de son oreiller, dans son propre lit. Mais maintenant que se sentait tirée hors de son sommeil, elle devait s’avouer perplexe face à combien dur était son lit. Il était toujours aussi dur ou c’était que maintenant qu’elle le remarquait…? Puis vraiment, les nuits étaient trop fraîches pour dormir sans sa couverture, qu’est-ce qu’elle en avait fait…? Il y avait bien un autre problème aussi. Ça lui semblait être bénin, rien de très grave, mais il y avait quelqu’un d’autre dans son lit. Ou du moins, autour de son lit. Elle avait déjà dormi avec d’autres gens, alors ce n’était pas si dérangeant que ça aurait pu l’être mais tout de même, la blonde n’avait aucun souvenir d’avoir ramené quelqu’un dans son lit. À moins que c’était elle l’imposteur… Ça avait beaucoup plus de sens, considérant qu’elle était convaincue que ce n’était pas son lit sous elle.

Tournant un peu la tête pour ouvrir un peu un œil, l’Irlandaise fut très surprise de constater qu’elle n’était même pas dans un lit, mais bien sur le sol de la bibliothèque, si elle prenait tous les livres qui l’entouraient en considération. Et puis elle n’était pas couchée avec quelqu’un, mais c’était plutôt Walter qui essayait de la réveiller. Ça lui revenait maintenant… La méditation clairement ratée qui l’avait plutôt amenée à faire la sieste sur le sol. Vraiment, elle avait l’habitude de dormir assise ou même contre un mur, mais comme ça, sur le sol de la bibliothèque, c’était une première. Ouvrant finalement les deux yeux, Eileen amena une main devant sa bouche alors qu’elle bailla, riant légèrement face au fait qu’elle ait cru être dans un lit avec quelqu’un. Pauvre Walter qui était encore plus malhabile qu’elle, la trouver comme ça avait du le mettre inconfortable. Sans se relever ou s’asseoir, l’étudiante lui fit un petit sourire, avant de dire de sa voix endormie :

« Hey Walter... T’sais, je commençais à croire que j’étais pas dans mon lit, mais dans le lit de quelqu’un d’autre… Le tien, j’imagine, puisque c’est toi qui m’as réveillée. Désolée! »

Se frottant les yeux pour y chasser le sommeil, la jeune femme se redressa finalement, restant tout de même assise, le dos contre l’étagère. C’était sans le vouloir qu’elle lui avait dit ça en se réveillant, elle était bien consciente qu’il était du genre très timide. Et ce n’était certainement pas en lui disant qu’elle pensait être dans son lit que ça allait le mettre à l’aise. Enfin, ce n’était pas bien grave. Levant à nouveau ses yeux de miel vers lui, elle tenta à nouveau un sourire, en se frottant le côté du visage sur lequel elle s’était appuyée sur le foulard. Elle était certaine qu’il y avait des lignes dans sa peau.

« J’crois que je voulais méditer, mais j’ai complètement raté mon coup, faut croire… Il est tard, dis? » demanda-t-elle avant d’étouffer un autre bâillement.

Avec sa chance, il devait déjà être trop tard pour son travail. Heureusement que ce n’était que de l’avance qu’elle voulait prendre et qu’elle ne se retrouvait pas à devoir passer une nuit blanche à travailler sur ce truc. Elle avait quand même cours le lendemain matin. Ramassant son foulard et s’apprêtant à venir l’enrouler autour de son cou, par habitude, la demoiselle arrêta plutôt le mouvement pour venir masser le côté sur lequel elle avait dormi. Si en plus, elle finissait avec un torticolis… La blonde soupira, appuyant sur son muscle en s’étirant et en essayant d’y enlever la douleur. Ça partirait, elle en était convaincue!

Non mais vraiment. Quel imbécile vient déranger quelqu’un de visiblement tout à fait à l’aise dans son sommeil? Peut-être que la jeune femme, dont il ne reconnut pas le visage puisque celui-ci était confortablement enfoui dans ce qui semblait être une écharpe, avait tout à fait consciemment décidé de se servir de ce petit bout de sol comme de son lit pour l’espace de quelques heures . Ou peut-être même de la nuit? Peut-être qu’elle était nouvelle et qu’on ne lui avait pas dit où était sa chambre et, sans un dernier élan désespéré, elle s’était construit ce petit espace confortable, entre les livres et le bois, pour s’y poser et reposer son corps exténué. Peut-être qu’elle s’était engueulée avec son petit ami et qu’elle était venue se réfugier ici, à l’abri des reproches et du malaise. Et lui, l’idiot, était venu la déranger. Il avait osé s’interposer entre une fille et Morphée. Elle semblait si bien, détendue, bien calée contre le bois et le tissu de son écharpe, la respiration calme et régulière. S’il avait vu son visage, il était presque certain qu’il y aurait aperçu un petit sourire de satisfaction inconsciente. Et il l’avait touchée, avait délicatement – oh si délicatement – secoué son épaule et lui avait adressé quelques mots. Pourquoi? Pour libérer l’allée? C’était idiot. Mais ça avait été plus fort que lui. Une petite voix lui disait qu’elle pouvait trouver quelque chose de plus confortable. Mais vraiment, qui était-il pour en être juge?

Walter sursauta presque en sentant la dormeuse s’agiter doucement dans son sommeil. Il retira brusquement sa main de sur son épaule mais ne se redressa pas tout de suite, préférant, pour une raison qui lui était étrangère, rester accroupi près de la jeune femme. Celle-ci s’éveillait. Bien qu’il ne pouvait toujours pas reconnaître de qui il s’agissait dans la pénombre créée par les étagères garnies de livres, il la voyait se mouvoir au ralenti, et l’entendit même lâcher un petit bruit. L’Écossais se mordilla fermement la lèvre du bas, s’attendant à recevoir sur lui une pluie d’insultes et de reproches. N’aurait-il pas pu la laisser dormir tranquille? Ses doigts du géant se refermèrent entre eux, alors qu’il gardait son regard d’azur nuageux posé sur l’étudiante. Oui, définitivement, n’importe quand, elle se fâcherait contre lui. Et alors que le scénario catastrophique devenait de plus en plus clair et éminent dans son imaginaire tordu, la demoiselle se retourna, son visage maintenant éclairé par les quelques lumières au plafond. C’était Eileen. Une jeune femme bien sympathique, s’était-il surpris à penser, qu’il avait croisé quelques fois au café étudiant. Aux premiers abords, ils s’étaient bien entendu. Bon, comme tout le monde sur cette planète, elle le mettait un peu mal à l’aise, mais ça c’était presque routinier. Rien de bien nouveau. Lorsqu’il vit un sourire se dessiner sur les lèvres de l’Irlandaise, le noiraud fut aussitôt soulagé. Enfin, un peu, pas totalement. Mais au moins, il ne se ferait pas gueuler dessus, c’était déjà ça. Il lui rendit son sourire et, attentif, baissa un peu sa tête entre ses épaules. La voix basse et endormie de la jeune femme méritait qu’on y porte attention.

Que… Quoi? Être dans son lit? Mais… Ils ne se connaissaient qu’à peine! Et très franchement, il ne pensait pas du tout à cela, depuis qu’une autre blonde occupait son cœur. Un rouge vif monta aux joues normalement plutôt pâles de l’Écossais et, par pur automatisme, il baissa les yeux pour regarde furtivement, nerveusement autour de lui. Ses doigts se mirent à jouer d’autant plus contre eux même pour les retenir de trembler légèrement. Il l’avait peut-être touchée de façon inappropriée…. Pourtant, il ne lui avait semblé qu’il n’avait touché que son épaule. Sa main avait-elle glissé par devant? Oh dear god. La peau du jeune homme s’empourpra encore davantage, son cœur se mit à battre plus vite. Mais pourtant, elle ne semblait pas gênée, elle. Et cela avait le don de rendre la situation d’autant plus malaisante. Mais qu’est-ce qui s’était passé? Il ne comprenait rien, en fait, son visage traduisant sans aucun doute le scepticisme et la gêne qu’il ressentait à ce moment-là. Mais surtout, il ne lui fallait pas avoir l’air trop mal dans sa peau. Ça repoussait les gens, lui avait-on dit. En fait, il n’avait plus aucune idée de ce qu’il devait faire, et cela se faisait sentir. Il avait chaud, si bien que la mince laine de son pull gris collait légèrement à son dos. Walt, fucking christ, calm down. Le jeune homme décida de s’écouter et inspira calmement avant de pouvoir retrouver un sourire, mince mais bien veillant. Il la regardait se frotter la joue pour chasser les possibles démarcations de tissu qui pouvaient s’y trouver. Mais lui n’en voyait aucune. Ceci dit, il ne la fixait pas non plus. À la question de l’Irlandaise, le grand ténébreux leva les yeux pour en effleurer l’horloge centrale de la pièce.

« Il est presque vingt-deux heures. », cita-t-il de son habituelle voix basse et apaisante.

Il reporta rapidement son attention sur elle, remarquant qu’elle semblait endolorie. Bon, ça y était, elle avait mal en plus. Peut-être que s’il était venu plus tôt, il lui aurait évité une douleur inutile. Se faisant violence d’une petite morsure à l’intérieur de la joue, le jeune homme se redressa sur ses pieds et, toujours penché, vint lui tendre la main pour l’aider à se redresser.

« Dormir ici n’est p-p-peut-être pas une bonne idée. Je peux t-t’aider, si tu veux. Peut-être. », dit-il, le rouge toujours aux joues et la main tendue.

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Eileen se sentit responsable du malaise de Walter, clairement visible avec le rouge sur son visage. Il rougissait énormément, c’était même un peu mignon. Vraiment, elle se savait très, très inconfortable autour d’inconnus mais lui, il la battait à plate couture. C’était un peu dommage, parce que d’après ce qu’elle avait pu observer, les quelques fois qu’ils s’étaient parlé, il était bien sympathique. Très timide, mais très sympathique. Ça devait être difficile, cet inconfort maladif. Au moins, il semblait s’en tirer assez bien, c’était surtout ça le plus important à ses yeux.

Il était nerveux, elle le voyait malgré le petit sourire qu’il venait de lui offrir. Elle aurait dû penser à ce qu’elle allait dire avant d’ouvrir sa bouche, lorsqu’elle s’était réveillée. Il allait forcément penser qu’elle n’était qu’une perverse qui l’attaquerait pour le déshabiller à n’importe quel moment. Heureusement pour elle, ses idées n’étaient pas dans ce sens, dans le moment. De toute manière, Walter était un jeune homme très mignon et très gentil, mais pas son genre à elle. Et même après avoir bu quelques verres, la jeune femme n’avait pas l’habitude de sauter sur les hommes comme une obsédée.

22 heures… Décidément trop tard pour son travail et puis elle n’était probablement pas en état d’écrire des phrases intelligentes. Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres, tandis qu’elle se massait toujours le cou, en constatant ses options. Elle pouvait toujours s’en aller rejoindre son lit, même si elle doutait fortement pouvoir dormir après cette longue sieste. Sinon… Elle pourrait rester à la bibliothèque et faire semblant de travailler. Ça semblait être une bonne idée. Jusqu’à ce qu’elle se fatigue à nouveau et puisse finalement aller rejoindre son lit. Sortie de ses pensées par le mouvement de Walter, la blonde leva les yeux, regarda un peu la main qu’il lui offrait et hocha finalement la tête. Dormir n’importe où qui n’était pas son lit n’était pas une bonne idée. La demoiselle prit sa main et se donna une poussée pour se relever sur ses pieds.

« Merci, Walter. T’es sympa, toi. Je te jures, j’ai pas l’habitude de dormir ici, mais j’étais crevée. Parfois, je tombe endormie n’importe où, mais ici, c’était une première! » dit-elle, consciente qu’elle déblatérait légèrement.

Ne relâchant pas tout de suite sa main, Eileen se rapprocha encore un peu de lui, en levant la tête pour le regarder. Souriant grandement en relâchant finalement sa main, Eileen lui toucha un peu le haut du bras, près de l’épaule, comme si elle essayait de le rassurer. Elle n’était pas trop certaine de si c’était le bon geste, mais elle avait lu un truc sur le langage corporel dans un livre et ça lui semblait approprié.

« J’suis désolée de te mettre inconfortable. Toi tu me mets même pas inconfortable! Je sais que je suis bizarre alors ça me dérange pas trop si t’es pas à l’aise avec moi… » dit-elle, avant de lui faire un sourire sincère.

Après tout, c’était peut-être juste parce qu’elle était particulièrement anormale qu’il était inconfortable. Elle avait l’habitude, ce n’était vraiment pas la fin du monde. Même les gens sans aucun problème côté timidité, elle les mettait inconfortables sans faire par exprès. Regardant un peu sur le sol pour retrouver son cahier de notes, l’Irlandaise s’en alla vers le bout de la rangée, où selon ses souvenirs, elle l’avait laissé.

« Alors, t’étais en train de faire un travail…? Où tu lisais pour le plaisir? Tu voulais peut-être faire la sieste et je t’ai piqué ton coin? » demanda-t-elle en ramassant le cahier sur le sol.

C’était évidemment une blague, elle se doutait qu’il n’était pas du tout du genre à faire la sieste dans des endroits publics. En fait, il n’était probablement pas du genre à faire la sieste tout court. Peu importe, elle se retourna à nouveau vers lui, en serrant son cahier de notes contre sa poitrine. Il était trop grand, ça n’allait pas du tout avec son visible inconfort social et ça n’allait pas non plus avec le fait qu’il était hyper discret. Enfin c’était un peu comme elle. Elle était plutôt grande pour une fille, mais se fondait dans le décor dès que c’était possible. Le monde était mal fait, voilà ce qu’il fallait en déduire.

Bien qu’en apparence il ne s’agisse que d’une main simplement tendue vers quelqu’un pour l’aider à se relever, c’était un vrai défi pour le jeune Écossais. Son regard était stable, et sa main ne tremblait qu’à peine – si on y avait prêté attention, on aurait pu remarquer de faibles spasmes au bout de ses doigts – mais c’est à l’intérieur que se trouvait le chaos. Les pensées s’entrechoquaient, se bousculaient, criaient avant de se taire pour en laisser d’autres s’exprimer. Qui voudrait se faire aider par toi? Avec ta chance, ta main sera tellement moite qu’elle glissera et tombera à nouveau sur le sol. Et si elle tombe, peut-être qu’elle se blessera, qu’elle se cognera la tête sur l’étagère derrière elle. Du sang, des cris. Le ténébreux essuie nerveusement sa paume sur son jean foncé avant de la retendre vers la blonde. Il tente de garder le sourire, le plus possible, malgré ses entrailles qui se serrent de stress et d’appréhension. Et si elle ne prend pas ta main? Tu auras l’air d’un idiot. Peut-être qu’elle pouffera de rire, peut-être qu’elle sera dégoûtée, peut-être même qu’elle éclatera de rire avant de t’insulter, se lever et de partir en répétant à tout le monde combien tu es un imbécile. Le Todhchai ferma les yeux un bref instant, inspirant puis expirant un bon coup. God, I need some whisky, right about now.

Mais elle agrippa sa main à la sienne, se hissa sur ses pieds, affichant un air tout à fait normal. Elle en vint même qu’à le remercier. Sympa? Le regard gris-bleu du jeune homme, un peu ébahi, se fixa sur celui de miel de son interlocutrice alors qu’elle lui expliquait que ce n’était pas la première fois qu’elle s’endormait dans un endroit insolite. Il trouvait ça curieux, pour sa part. Pourquoi dormir sur un parquet alors qu’on peut dormir dans son lit? Lui avait eu ses quelques mésaventures avec le parc ou les serres, mais lorsqu’il s’y était étendu, c’était clairement dans l’idée de sommeiller. Enfin, peut-être qu’elle avait vraiment voulu…? Enfin, mais… Pourquoi elle lui tenait toujours la main? Le rouge qui avait finalement disparu de sur ses joues réapparaissait progressivement. Même qu’elle fit un pas vers l’avant, levant la tête vers lui. Est-ce qu’elle voulait… le…. l’embrasser? Oh… Non non non non… Eileen, c’était une jolie fille, quand même mais… Non, ça ne pouvait pas se passer. Ils ne se connaissaient pas, il y avait Zòhra, ce n’était pas l’endroit… Il avait du mal à respirer, tiens. Puis elle lui toucha l’épaule, un sourire accroché à ses lèvres. Allez Walt, c’est rien, elle ne te veut rien, c’est certain. C’est rien du tout. Rien. Du. Tout. Elle était tellement gentille, cette fille. Elle s’en souciait, véritablement. Parce qu’elle le savait, qu’il était mal à l’aise, et que visiblement elle n’aimait pas le voir comme ça. Un mince sourire éclaircit son visage. Mais il ne voulait pas qu’elle culpabilise. Après tout ce… c’était sans doute de sa faute. C’était lui, qui jouait les paranoïaques, qui paniquait à rien. Le noiraud secoua un peu brusquement la tête et s’empressa d’ajouter, le ton doux malgré la rapidité de son débit de voix :

« Oh, Eileen… Non, ce n’est pas comme ça, tu sais. Je suis conscient que je… je suis difficilement approchable, et qu’on peut penser que je suis étrange… Enfin, ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas toi qui me rends mal à l’aise, c’est les gens qui me rendent mal à l’aise. Même que je pourrais même dire que… en général, ça se passe bien avec toi. Juste, aujourd’hui, je sais pas, j’ai… J’avais peur de te déranger. »

Walter lâcha un rire nerveux et fourra ses deux mains dans ses poches lorsque son amie s’éloigna pour chercher quelque chose. Elle enchaîna bien vite à la suite de ce qu’il avait dit en ramassant ce qui semblait être un cahier de notes sur le sol. Il secoua légèrement la tête et répondit calmement, déjà plus relaxé maintenant que la distance s’était un peu élargie entre eux. La proximité avec les femmes n’était pas un problème… quand il buvait. Et pour l’instant, il n’avait encore rien bu de la journée.

« Oh, non. Je… Je travaille ici, en fait, c’est mon emploi étudiant. Quelques fois par semaine. Ça me fait un peu d’argent de poche. Mes parents m’aident, mais en général, j’préfère un… un peu d’indépendance, quoi. »

Les yeux toujours baissés vers elle, il se mit à marcher tranquillement dans l’allée. Ils n’avaient pas souvent l’opportunité de discuter ensemble. Le café était souvent bondé, et ils ne partageaient aucun cours ensemble. Et maintenant que la tension initiale entre eux était passée, il se sentait beaucoup plus à l’aise d’entretenir une conversation normale, calme, posée. La preuve, son teint avait repris de ses pâleurs et son cœur battait à un rythme normal. Finalement, les choses se mettaient en œuvres pour que la fin de sa soirée se passe de façon agréable. Peut-être même pourrait-il offrir un verre à la jeune femme, après?... Il s’apprêtait à ajouter quelque chose, ses lèvres entrouvertes, lorsqu’il aperçut du coin de l’œil une pile de livres tanguer dangereusement dans leur direction. Et derrière, une petite fée grise, aux yeux noirs comme la nuit et au sourire malin. Une Unseelie. Avant même qu’il ne puisse avertir la blonde, la créature maléfique acheva de pousser les livres et la quinzaine d’épais ouvrages tomba vers eux. Dans un élan d’adrénaline qui lui était inconnu, Walter sortit sa baguette de son étui, agrippa le bras d’Eileen pour la coller contre lui et lança un Protego . Autour des deux jeunes gens, un filtre de lumière turquoise les protégea, les bouquins contournant le bouclier magique et s’écroulant lourdement au sol. Un silence de quelques secondes, puis le sortilège se dissipa.

« Droch* Unseelie… », marmonna-t-il en gaélique, fixant les étagères les sourcils froncés alors qu’il s’affairait à ramasser les livres qu’il avait si consciencieusement rangés quelques heures plus tôt.

[*Droch signifie méchant, diabolique, malicieux]

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Bien qu’Eileen ait remarqué que le pauvre Walter semblait sur le point de la crise d’anxiété lorsqu’elle s’était approchée de lui, la blonde avait décidé d’ignorer le tout. Peut-être que le truc c’était de faire comme si elle ne remarquait pas à quel point il était mal? Ça ne semblait pas être très probable, mais ça valait la peine de tout essayer. Quoiqu’elle devait s’avouer que de mettre quelqu’un aussi inconfortable la mettait elle-même mal à l’aise. Ils étaient décidément mal barrés pour tout ce qui concernait les relations sociales.

Un sourire vint étirer ses lèvres à l’explication que l’étudiant lui donna, comme si ça la rassurait de savoir qu’elle n’était pas la seule personne à le mettre dans cet état. Et aussi parce qu’il avait dit ne pas vouloir la déranger et que sans trop savoir pourquoi, elle était attendrie. En fait si, elle savait pourquoi. Personne ne s’inquiétait trop d’elle, ce n’était pas comme si elle avait de la famille et des dizaines d’amis qui la voyaient régulièrement et qui s’inquiétait de son bien-être. Ça faisait des années qu’elle avait vu ses parents et elle pouvait compter ses amis sur les doigts d’une seule main. Puis lui, qu’elle ne connaissait pas énormément, disait qu’il ne voulait pas la déranger et ça la faisait sentir comme s’il s’inquiétait sincèrement d’elle. C’était dépaysant, mais pas déplaisant. Ça lui rappelait un peu lorsqu’elle était adolescente et que son frère s’occupait d’elle. C’était un sentiment très agréable.

Alors qu’elle cherchait toujours pour son cahier dans l’allée plus ou moins éclairée, elle ne put s’empêcher de sourire grandement à la réponse de Walter quant à ce qu’il faisait là. Le chanceux! C’était l’emploi d’étudiant rêvé! Ou du moins, l’emploi rêvé de l’étudiant éprouvant des difficultés au niveau social. Elle aurait tué pour avoir cet emploi. C’était exactement ce dont elle avait besoin. Un contact minimum avec des étrangers, une atmosphère tranquille et assez reposante… Eileen se sentit jalouse à ce moment-là. C’était un sentiment qu’elle connaissait bien, mais qu’elle n’aimait pas du tout.

« T’es chanceux! C’est le genre d’emploi que j’aimerais bien avoir. Tous mes plans pour me débarrasser se la personne occupant le poste vont maintenant à l’eau, cependant… » dit-elle, en lui adressant un clin d’œil.

La suite se déroula rapidement, un peu trop rapidement pour que ses yeux et sa tête assimilent la situation. Il allait parler, mais ses yeux n’étaient plus sur elle, ils regardaient derrière. La demoiselle s’apprêtait à se retourner pour voir ce qui retenait son attention, mais fut plutôt surprise par le Todhchai qui l’agrippa par le bras pour l’attirer vers lui. Quelque chose lui échappait, c’était la seule raison pour laquelle il la collerait contre lui ainsi. Heureusement pour elle, son explication vint dans les mêmes secondes avec le sort qu’il lança et en voyant les livres glisser contre le bouclier magique, pour tomber sur le sol. Eileen tourna la tête juste au bon moment pour voir la petite fée maléfique s’en aller. Oh là! Elle avait essayé de les tuer avec tous ces bouquins! Il aurait simplement fallu qu’un d’eux lui tombe sur la tête pour lui défoncer le crâne! L’étudiante leva les yeux vers Walter, acquiesçant de la tête à sa façon de désigner l’Unseelie, et se décollant de lui. Quelle… rapidité! Il avait un temps de réaction à tout casser!

« Merci Walter. Je ne l’ai même pas entendue, ces bouquins m’auraient écrasée. » dit-elle en le regardant commencer à tout ramasser.

Elle n’allait certainement pas rester là à rien faire alors qu’il venait de lui sauver la vie! La jeune femme se mit aussitôt à ramasser les ouvrages, les empilant soigneusement les uns sur les autres, comme lui-même faisait. C’était de vraies pestes, ces bestioles! Il avait peut-être passé une éternité à tout placer et elles venaient tout détruire, juste comme ça, pour le plaisir. La Ceart l’imitait, plaçant les livres comme lui-même le faisait, en espérant que ça ne le dérange pas trop que cette fée ait détruit la pile.

« Elles viennent dans la biblio souvent pour y mettre le désordre…? C’est un peu dangereux, mhm… » dit-elle en se redressant.

Les manuscrits et autres ouvrages semblaient tous avoir retrouvés un endroit plus approprié que le sol. Elle doutait sincèrement qu’ils soient rangés dans un ordre, mais au moins ils ne traînaient pas. De toute manière, ce n’était probablement pas les livres les plus consultés dans toute la bibliothèque.

Dernièrement, c'était absolument insupportable. Les fées qui avaient établi domicile sur le campus de l'université étaient là depuis bien longtemps et, très franchement, elles n'avait jamais dérangé Walter. Il s'était fait à leur présence bien rapidement – le domaine familiale était également l'hôte d'un petit groupe de ces petites créatures, il en avait donc vu durant toute sa vie. Et même s'il lui avait fallu un certain temps avant de se faire à l'abondance de Seelies à St-Barnaby, éventuellement, elles avait fait partie de son quotidien et il ne s'imaginait pas vraiment une journée dans les voir à l'oeuvre. Qu'elles soient en train de prendre soin des plantes et des fleurs dans les serres, ou bien qu'elles éclairent les couloir plus sombre de l'établissement en illuminant d'une pierre bleutée les pierres au passage d'un étudiant dans un racoin noir, elles étaient là, toujours. Mais de plus en plus, on voyait apparaître entre ces fées gentilles quelques colonies de fées malicieuses et méchantes, les Unseelies. Elles avaient toujours été là, elle aussi. Qui d'autre pour venir voler ses chaussettes, n'en laissant qu'une à chaque paire? Mais leur nombre grandissait et ça avait quelque chose d'inquiétant. Non seulement étaient-elles plus nombreuses, mais les choses qu'elles faisaient étaient de plus en plus méchantes, voire cruelles. Elles arrachaient des poils aux animaux, brisaient des fenêtres, apeuraient les hiboux et les chouettes dans la volière... ou encore, elles faisaient tomber des livres sur des étudiants. Ça devenait dangereux, et ça, Walter ne l'appréciait pas du tout.

Parce qu'il fallait bel et bien le réaliser; Eileen et lui auraient pu être gravement blessés, s'il n'avait pas élevé son bouclier magique au bon moment. Des livres, ça ne tombe pas comme de la neige en hiver. Un coin trop pointu, un ouvrage trop lourd, l'impact trop puissant. La blonde, comme le noiraud, auraient pu se retrouver inconscient ou blessé sous la force d'une telle chute. Enfin, ça n'était pas le cas et ils pouvaient bien être reconnaissants de cela. C'est bien cela qui encouragea Walter à retrouver le sourire, alors qu'il ramassait les livres autour de lui et qu'il les replaçait dans les étagères et sur le sol. Heureusement que c'était lui qui les avait organisés un peu plus tôt, il se souvenait ainsi des endroits où les bouquins allaient. Cinq minutes passèrent, et tout était à sa place. Le grand homme regarda son travail, satisfait, puis se retourna pour faire face à son interlocutrice. Dieu qu'il était gêné, tout de même. Son amie avait failli être sérieusement blessée dans la bibliothèque alors qu'il y travaillait. Si ça se n'était pas de la négligence. Pas qu'il oubliait qu'il venait tout juste de la sauver de quelque chose de potentiellement grave. Juste... Ce danger n'aurait jamais dû se présenter, pour commencer.

« Elles sont partout sur le campus, depuis quelques mois. C'est ridicule. On ne peut pas aller nullepart sans risquer de se faire taquiner méchemment par ces bestioles... Enfin, j'imagine qu'on s'y fait, mais là, c'était carrément dangereux, c'est la première fois que je le remarque autant. Je... Je suis désolé, tu sais. Ça ne doit pas te laisser une b-bien bonne impression de la bibliothèque et de son aide-bibliothécaire. »

L'Écossais ajusta machinalement des livres dans l'une des étagères un peu plus élevées, à la hauteur de son cou, puis se risqua à regarde Eileen. Il lui offrit un sourire désolé. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire pour se faire pardonner un tel incident? Il réfléchit un instant puis sortit de sa poche deux clés, identiques. Il en avait un double, par précaution, mais il pouvait bien le lui offrir. De toute façon, il savait qu'il pouvait lui faire confiance. Ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps, mais le Danois savait déjà pertinemment qu'Eileen était fiable et gentille. Et puis, qui sait, peut-être qu'elle apprécierait vraiment ce petit geste. Le ténébreux rangea l'une des clés dans la poche de son pantalon et tendit calmement l'autre vers l'Irlandaise, gardant aux joues une teinte rosée.

« C'est le... la clé de la section arrière, avec les plus vieilles archives et les ouvrages restreints au public. Je... ne sais pas si ça t'intéresse. Mais je te fais confiance. Ne... n'emmène pas qui que ce soit d'autre dans la section, c'est... pour toi, voilà. »

Il était probablement en train de se ridiculiser. Encore.

PROFIL RPG

Les Seelies, elle aimait bien les voir. Elles étaient mignonnes, agréables, pleines de bonnes intentions et utiles. Parfois, elle aimait bien aller dans les jardins et regarder les petites fées et les fleurs, toutes aussi colorées les unes comme les autres. Évidemment, il fallait bien qu’elles aient une contrepartie, c’est-à-dire leurs consœurs vilaines et désagréables. Elles lui fichaient la trouille, ces Unseelies! À deux reprises, elle s’était fait attaquer par ces petites pestes, ici-même, sur le campus! Elles étaient déplaisantes et même si les attaques l’avaient mise en colère, elles ne l’avaient pas blessée, mais là, ça devenait un peu trop effrayant à son goût. Qu’est-ce qui se serait passé si elle avait toujours été en train de dormir sur le sol, juste là…? L’idée lui donna un frisson, tandis qu’elle acquiesçait de la tête aux paroles de Walter. Jusqu’à ce qu’il lui dise qu’il était désolé et que ça ne devait pas lui laisse un bon goût à son sujet. Ce n’était pas comme ça! Il venait de la sauver, ce n’était pas lui qui l’avait mise en danger!

« Comme tu dis, elles sont partout sur le campus, la bibliothèque n’est pas épargnée! T’as pas à être désolé, grâce à toi, je ne suis pas morte écrasée sous une piles d’ouvrages poussiéreux. » dit-elle en lui offrant un sourire sincère.

Ce garçon, il avait besoin de se faire complimenter plus ou du moins, de quelqu’un pour lui faire remonter l’estime de temps à autres. Elle qui était timide, bizarre et pleine de contradictions savait tout de même reconnaître lorsqu’un accident était de sa faute ou non. Elle savait prendre le blâme pour les problèmes qu’elle causait, mais elle ne s’en faisait pas trop pour les choses hors de son contrôle. Elle angoissait déjà suffisamment avec ses propres difficultés, son corps et son esprit ne seraient probablement pas capables de supporter qu’elle se considère responsable de tout malheureux évènement. Lui cependant… La blonde le regarda placer quelques livres sur une des étagères, en se demandant si ça lui arrivait de ne pas être inconfortable. Si certaines personnes pouvaient le voir complètement détendu. Peut-être qu’il était différent avec sa famille. Du moins, elle lui souhaitait parce que sinon, son existence serait longue. Elle se donnait des moments de répit parfois, soit en prenant un verre ou en trouvant quelqu’un d’autre à la recherche de divertissement, parce que sinon, elle était certaine de faire une crise et de finir légume. Enfin, c’était ce qu’elle pensait. Il devait forcément se trouver des moyens de décompresser lui aussi.

Ses yeux toujours posés sur le grand noiraud, Eileen remarqua du coin de l’œil qu’il fouillait dans sa poche et qu’il en ressortit deux clés. Elle lui offrit un sourire, même si elle n’avait aucune idée de ce à quoi elles pouvaient servir. Il lui en offrit une et elle la pris de sa main, le contact bref avec sa paume chaude du Todhchai lui rappelant qu’elle avait froid. Son explication vint ensuite et si elle ressentait un peu d’affection envers lui auparavant, maintenant il se trouvait dans ses personnes favorites. Il lui faisait confiance, il lui donnait un truc super important! Elle allait devoir garder cette clé avec chaque fibre de son être! Levant de grands yeux, pleins d’admiration vers son nouveau meilleur ami, l’Irlandaise dit d’une voix remplie d’émotion :

« J’y ferai très attention. Personne d’autre n’aura le droit d’y toucher, je te le promets. Je la garderai toujours avec moi, elle ne me quittera jamais! Tu ne regretteras pas de me faire confiance, Walter! »

La jeune femme serrait la clé de ses deux mains, un enthousiasme assez difficile à ignorer sur son visage. Dire qu’elle allait pouvoir aller voir des ouvrages auxquels personne d’autre n’avait accès! Ça la faisait sentir spéciale. Le bon genre de spécial. Elle était suffisamment importante à ses yeux pour qu’il lui donne cette clé. Eileen la mit temporairement dans sa poche, vint détacher la chaîne argentée qui ne quittait jamais son cou, puis elle reprit la clé et la glissa sur celle-ci. Voilà, elle serait bien en sécurité à cet endroit. Relevant à nouveau la tête vers lui, la demoiselle ne s’empêcher de se rapprocher et de venir lui donner un câlin, sans avertissement. Elle se serra contre lui, en espérant ne pas lui donner de crise cardiaque et se décolla aussitôt, satisfaite de la courte étreinte.

« Ça veut dire qu’on est des amis. Je serai une très bonne amie, j’essayerai d’être toujours là pour toi. J’ai pas l’habitude, alors tu devras être patient. » dit-elle, avec le même enthousiasme.

Elle se retenait de sautiller de joie. Peut-être qu’elle devait aussi lui offrir quelque chose en échange…? Elle n’avait rien à lui offrir! Elle allait devoir remédier à ce problème dès que l’occasion se présenterait. S’il fallait qu’elle perde son nouvel ami rapidement, ce serait le désastre.

Il ne savait pas trop ce qui lui avait pris, en fait. Peut-être que lorsqu'il y repenserai, un peu plus tard, une fois l'adérnaline du moment passée, il le regretterait. Ce n'était pas rien, ce qu'il venait de faire. Dans la section surveillés, il y avait des tonnes d'archives vraiment très anciennes, et des livres qui étaient, la plupart du temps, censurés des cours et des formations parce qu'ils avaient été écrits par des gens aux idées souvent radicales. Il n'y avait, dans cette section, rien de réellement dangereux, mais suffisamment choquant pour ébranler la quiétude d'esprit de certaines personnes. En gros, il fallait faire bien attention à qui se baladait dans cette partie de la bibliothèque. L'accès n'était normalement pas complètement limité. Les étudiants pouvaient demander à la bibliothécaire, ou encore à Walter, de leur ouvrir l'aile restreinte pour une certaine période de temps afin de leur permettre de faire des recherches pour des cours. Mais maintenant, Eileen allait pouvoir y aller lorsqu'elle le voudrait. Lui-même appréciait beaucoup les heures qu'il pouvait passer là tout seul, à lire et à s'instruire. Et comme il savait que l'Irlandaise aimait elle aussi la compagnie des livres, parfois même plus que celle des humains, il jugeait son cadeau approprié. Et à voir l'air qu'elle avait au visage, elle semblait apprécier le geste. Même sa voix, plus que ses mots, parlait pour elle. Walter ne put retenir un léger sourire, alors qu'elle le remerciait.

Sourire qui se figea lorsqu'il sentit les bras de la blonde passer autour de sa taille. Un câlin, eh oui. Il fallait s'y attendre, après tout. Les filles faisaient souvent cela, lorsqu'elles étaient heureuses ou reconnaissantes. C'était une façon tout à fait légitime d'exprimer des sentiments positifs à l'égard de quelqu'un. Lui le faisait, d'ailleurs. Souvent, avec Zòhra. Parce que quelque chose en lui criait qu'il avait besoin du contact de la belle Slave. Et il lui arrivait de faire la bise à certaines filles, celles qu'il connaissait depuis un peu plus longtemps, avec qui il avait partagé certains moments. Ça ne le dérangeait pas foncièrement, ce n'était pas la proximité physique qui le gênait, mais plutôt l'intimité émotionnelle. Qu'Eileen vienne se coller contre lui comme elle le faisait, ça voulait dire quelque chose. Ils étaient amis, maintenant. Pour vrai. Bien que d'abord un peu maladroit, le jeune homme referma l'étreinte de ses bras dans le dos de l'Irlandaise et lui rendit le câlin, non sans être légèrement mal à l'aise. Heureusement qu'elle comprenait. Avant même que le malaise ne se fasse vraiment sentir, son amie s'était éloignée, arborant malgré tout un superbe sourire. Il hocha la tête et ajouta à son tour, en entamant un pas dans l'allée:

« Je ne suis pas le plus doué pour ça non plus. Mais je pense qu'on peut arriver à quelque chose, j'ai... une bonne im-impression, disons-le comme ça. »

Alors que les derniers mots du grand Écossais se perdaient dans l'air, le bruit de la grande horloge retentit dans la pièce, annonçant l'heure de la fermeture de la bibliothèque. Un coup d'oeil à l'hologe indiquait en effet vingt-deux heures trente. Walter se tourna vers Eileen et lui sourit, désolé. Continuant toujours sa marche en direction de l'entrée et s'assurant, au passage que les allées étaient vides, il dit :

« Je dois fermer, je... Désolé. Au final, tu n'as pas vraiment eu le temps de lire. Enfin, maintenant tu sais que tu peux venir ici quand tu veux, et tu sais où aller pour avoir la paix. J'espère que ça te servira, ce... cette clé. Et que tu ne te feras plus attaquer par des Unseelies. »

Il en riait un peu, maintenant, mais cela avait été réellement dangereux. Silencieusement, il indiqua à son amie de l'attendre et alla régler quelques petites choses derrière le comptoir de prêts. Des dossiers rangés, des livres empilés, et il était prêt à partir. Les deux jeunes gens quittèrent la bibliothèque par ses portes massives et, d'un sortilège silencieux, Walter les verrouilla. Cela avait été une soirée mouvementée et, malgré ses habitudes insomniaques, il avait l'impression que le sommeil saurait le gagner assez rapidement, ce soir. Il s'arrêta devant Eileen un moment, hésitant, comme d'habitude, puis se risqua à entreprendre les salutations, une de ses mains massant nerveusement sa nuque.

« Ce... C'était bien de te revoir, même si nos vies ont été en d-danger. J'espère que tu dormiras bien, après ta sieste. À la prochaine, Eileen. »

Un dernier sourire dessiné sur ses lèvres, il se dirigea vers les dortoirs des garçons.
Il savait déjà qu'il ne regretterai pas le choix qu'il avait fait de lui donner cette clé. Eileen était son amie, et il n'en doutait plus.

PROFIL RPG

À part pour un hochement de tête enthousiaste, Eileen n’avait rien à ajouter quant au fait qu’ils pourraient arriver à quelque chose, même si les deux n’étaient pas trop compétents pour les relations entre amis. Elle le suivait vers l’entrée de la bibliothèque, sursautant en entendant l’horloge qui annonçait déjà vingt-deux heures trente. Sa sieste avait définitivement été plus longue qu’elle ne le pensait. Les allées étaient déjà toutes vides, fallait croire que les étudiants avaient mieux à faire que de venir passer une soirée parmi de vieux livres poussiéreux. Ils étaient peut-être tous en train de mener une vie passionnante, tandis qu’elle dormait sur le sol de la bibliothèque. Ou sinon, tout le monde était au courant des heures de fermeture et avait déjà déguerpi. Enfin, la première idée semblait plus réaliste et malgré tout, elle lui donnait l’impression d’être pathétique. Quelle personne saine d’esprit pouvait préférer les livres aux humains? Quoique c’était un mensonge, elle aimait plus les êtres vivants aux livres, elle était seulement incapable de gérer et les habitudes sociales lui échappaient souvent. Cette soirée lui avait tout de même donné suffisamment d’action pour une semaine. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’elle risquait de mourir écrasée sous une pile d’ouvrage.

Eileen sourit au noiraud, acquiesçant lorsqu’il dit espérer que la clé lui soit utile. Elle n’en doutait même pas! Il lui avait offert, alors elle allait en profiter au maximum. Toute seule! Elle pourrait aller dans une pièce remplie de livres, complètement toute seule! Ce serait absolument génial. Elle allait peut-être même réussir à se concentrer, peut-être qu’elle allait travailler plus vite et produire des travaux fabuleux grâce à cette petite clé. La jeune femme vint la serrer dans sa main, en faisant tout de même attention de ne pas briser sa chaîne en tirant trop fort. Quant à ce qu’il dit sur les Unseelies, la blonde aussi espérait qu’elles cessent leurs petites blagues et laissent tout le monde tranquille. Elles étaient méchantes et inutiles. Tout le monde se porterait mieux si elles cessaient leurs apparitions surprises.

« J’espère qu’elles te laissent tranquille aussi. Ce serait dommage qu’elles reviennent tout mettre à l’envers ici. » dit-elle en l’attendant.

Elle se posta pas trop loin du comptoir, pour l’attendre patiemment. Ses yeux suivaient les mouvements du jeune homme, observant avec attention tout ce qu’il faisait pour fermer l’endroit et lorsqu’il sembla satisfait et vint la rejoindre, la demoiselle mena le chemin jusqu’à l’extérieur des grandes portes. Qu’est-ce qu’elle allait faire, maintenant…? Certainement pas dormir, elle venait juste de se réveiller. Peut-être qu’un thé lui donnerait sommeil. Ouais, un thé était une excellente idée. Sinon, elle pourrait passer la nuit à lire dans son lit. Ce n’était pas comme si elle avait vraiment l’habitude de bien dormir la nuit. Elle y était habituée, donc ce n’était clairement pas la fin du monde si elle ne dormait pas et passait le lendemain à somnoler à chaque moment libre de la journée. Ce ne serait qu’une répétition de la majorité de ses journées, rien de plus. Un sourire venant étirer ses lèvres, l’Irlandaise hocha la tête en se disant qu’il serait bien pour eux de faire quelque chose ensemble, hors de l’école. Ils pourraient sortir ou aller se promener, après tout, ils étaient amis maintenant. Elle lui fit aurevoir de la main, avant que l’Écossais ne se mette en marche vers un des couloirs, ajoutant aussi :

« On essayera de se revoir dans une situation moins dangereuse. Bonne nuit Walter! »

La Ceart resta devant les portes pendant un moment, le regardant s’en aller. Elle ne savait toujours pas ce qu’elle voulait faire. Aller au Sor-thé-lège pour boire un thé, mais risquer de rencontrer des gens ou sinon aller passer une nuit blanche à lire un roman pourri, dans son lit? Quel dilemme.

PROFIL RPG

» Réfugiée dans le phare par une soirée pluvieuse
» Un quart de ... [ PV Walter ]
» Dans l'intimité de Drew
» Les rires dans la nuit. (PV Aindreas)
» Le venin dans le sang[solo]

Soirée dans les livres [PV Walter][Terminé!]

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