Mai.
L'année dernière à cette même époque, apprécier le joli temps de Mai et laisser ses rayons réchauffer son visage glacé par la bise froide et vicieuse de Londres aurait été un luxe auquel elle ne pouvait pas prétendre ; faire partie de l'Ordre avait été une décision logique sinon évidente à laquelle tout le monde s'attendait de sa part, et peu à peu, à mesure que les mois passaient loin de la bouille enfantine de James qu'elle ne voyait que trop rarement à son goût et auquel elle écrivait pourtant tous les jours, Lily s'était rendue compte qu'entre ses études et Dumbledore, elle passait peut-être à côté d'un morceau de sa vie que Voldemort pouvait tout à fait lui enlever en claquant des doigts (bon, peut-être à ce point-là quand même, mais avec tous les pouvoirs qu'on lui prêtait...).
Ses études avaient été une autre source de fatigue qu'elle avait accueillie à bras ouverts ; si courir partout pour l'Ordre était épuisant au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer, Lily appréciait de rentrer chez ses parents chaque soir après ses cours pour savourer un thé ou un bon chocolat chaud avant de se mettre au travail, discutant presque normalement de sa journée avec sa mère. Pétunia n'avait pas été aussi douce avec elle, toute la candeur enfantine de sa soeur envolée avec ces années passées si loin l'une de l'autre ; elle la regardait d'un oeil mauvais, ses études suivant leur cours sans qu'elle n'ait de réel but, lui avait avoué sa mère un soir.
Son père, plus réservé, était resté cordial avec elle bien que son opinion vis-à-vis du monde sorcier soit pourtant très tranchée ; Lily n'avait évoqué la guerre qu'à demi-mots, et tu les activités de l'Ordre.
Entendre que leur fille était une sorcière n'avait pas été simple, alors qu'elle fasse la guerre ?
Malgré tout, le retour de Lily dans leur maison familiale avait été très bien vécue ; sa mère, ravie, avait passé une bonne semaine à lui cuisiner toute sorte de petits plats, l'avait invitée à sortir faire les boutiques, à discuter tout bêtement. De son côté, ça avait été avec grand plaisir qu'elle avait retrouvé sa chambre d'adolescente, profitant de l'été - et du support de James (et des pitreries des autres Maraudeurs au passage) - pour la redécorer entièrement. Sans magie. Oui, une belle aventure humaine, comme l'avait souligné Sirius, assis sur une chaise à feuilleter un magasine moldu qui traînait par là. "Mais pourquoi tu l'as mis sur le sol ?" "Pour le protéger ?" "Le magasine ou le sol ?" "Laisse tomber Patmol." " Non mais je - " " Laisse tomber, Sirius." " ... Okay".
Et puis, les mois avaient passé. Sirius, James et Remus étaient partis pour St Barnaby, et elle était restée à Londres, entre les réactions gênées de ses parents et les regards désapprobateurs d'une soeur devenue une étrangère - tacitement, tous savaient que la magie resterait cantonnée à la seule chambre de Lily, et qu'il était hors de question qu'elle fasse ses potions dans la cuisine (sa dernière tentative remontait à quelques années, où ses parents l'avaient autorisée à essayer, sans penser une seconde que ça pouvait mal tourner).
Finalement, après Londres et la médicomagie, et beaucoup de réflexion, Lily avait décidé de rejoindre James, Sirius et Remus (et étonnament, pas mal de monde de Poudlard) à St Barnaby, loin de Londres et de son agitation douloureuse. Les plans de Voldemort étaient toujours aussi nébuleux, et l'Ordre pouvait très bien fonctionner sans elle ; ce qui ne pouvait que difficilement se gérer tout seul, par contre, était sa relation avec James.
Qui était actuellement en train de la guider dans une petite cage d'escalier, dans Stornowa.
Ses pas étaient évidemment un peu incertains, mais James la guidait tranquillement, une bras enlaçant sa taille et sa main tenant la sienne ; il avait fini les cours plus tôt, alors Dieu seul savait ce qu'il avait bien pu lui préparer (ce n'était pas leur première promenade, mais c'était la première qu'ils faisaient où l'un des deux était en aveugle...).
Ils rirent pas mal en s'apercevant que grimper les escaliers à l'aveuglette n'était pas aussi facile que ça, malgré les indications très précises de James qui la tenait par la main ; elle l'entendit ouvrir la porte en haut des marches d'un coup de baguette, et le suivit à l'intérieur en souriant.
— Vas-y ! Ouvre les yeux ! Alors, alors ? Ca te plaît ma chérie ? Parce que j'ai vraiment, mais VRAIMENT envie de vivre avec toi. Alors, tu veux ?
Elle cligna des yeux à cause du soleil qui illuminait la pièce, un salon, lumineux et meublé aux couleurs chatoyantes de Gryffondor ; des couleurs chaudes habillaient toute la pièce, habillant des murs peut-être encore un peu trop blancs. Les fenêtres étaient larges et grandes, ouvertes sur la rue et sur le ciel toujours bleu de l'île ; des rideaux aux couleurs pastels flottaient au gré du vent de Mai qui pénétrait dans la pièce par l'une des fenêtres entrouverte, et James la regardait avec cet air un peu idiot mais tellement heureux qu'il avait si souvent.
Pas sûre que ce soit réel, Lily fit quelques pas, ses yeux allant partout et nulle part à la fois, des fauteuils au canapé confortable, les coussins aux figures rigolottes déposés dessus, le parquet qui craquait sous ses pieds, la table basse, les étagères vides où elle pourrait installer tous ses livres, et - et c'était parfait.
Elle se tourna vers James, pris ses mains dans les siennes (ses grandes mains pleines de sa chaleur qu'elle adorait embrasser).
— J'adore, répondit-elle en sentant son visage prêt à craquer sous son sourire, et lui sourit en retour, l'embrassant rapidement et l'entraînant déjà vers le reste de l'appartement dont Lily dévorait chaque détail, des meubles aux maigres objets décoratifs que James avait maladroitement disposés ici et là ; il y avait des photos d'eux, d'eux et des Maraudeurs, de leurs familles, autant de photos sorcières que moldues.
James lui fit visiter chaque pièce religieusement, et lorsqu'ils atteignirent finalement la chambre, faite de bleu et de blanc, comme un de ces cottages qu'ils avaient loué en compagnie de Sirius l'été dernier pour partir en vacances sur les côtes françaises, il éteignit les lumières, tira les rideaux, clamant qu'elle n'avait pas tout vu.
— C'était un travail d'équipe, précisa-t-il tandis que le plafond s'illuminait de reflets brillants, tantôt rouges, tantôt bleutés ; bientôt, ce fut la voûte céleste entière qui s'était dessinée au-dessus de leur tête avec une précision digne des cartes d'astronomie de Poudlard.
— Laisse-moi deviner, c'est Sirius qui a fait les tracés et Remus qui t'a aidé pour le sort ? Se moqua-t-elle un peu, blottie dans les bras de James, la tête tournée vers les étoiles.
— Sirius a fourni sa bonne humeur et Remus a actuellement fait quelque chose d'utile : il m'a donné l'idée, se justifia James, sans doute en train de sourire dans la pénombre de la chambre.
Ils admirèrent le ciel et les étoiles quelques minutes encore.
— Votre verdict, Milady ?
— Eh bien, fit Lily en se donnant un air important qu'il ne voyait probablement pas à cause de l'obscurité de la pièce, je te mets un dix sur dix pour l'effort de rangement, et un petit bonus pour l'inventivité, ajouta-t-elle en riant.