Et voilà, elle y était finalement. Enfin arrivée à Stornoway, près de l’université où elle allait commencer les cours d’ici quelques jours. C’était plutôt excitant, un peu stressant, mais elle se sentait assez bien. Loin de toute grande ville, de toute foule… Ça pourrait très bien lui plaire pour un moment. Elle avait envie d’être tranquille, seule avec elle-même, dans son propre espace. Ou sinon, seule avec son frère qui devait arriver d’un moment à l’autre. Elle avait hâte de le voir.

Le studio qu’elle s’était procuré était situé au-dessus d’une boutique de vêtements quelconque. C’était grand, avec d’immenses fenêtres qui donnaient une bonne vue sur le village paisible. Avec ces fenêtres, elle pourrait voir le soleil lorsqu’il se pointerait. Elle était déjà bien installée, son grand lit s’était retrouvé contre le mur sous les fenêtres, le divan contre l’autre mur, sa bibliothèque devant le divan… La petite cuisine se trouvait à côté à la droite de l’entrée. C’était minuscule en fait, cette cuisine, mais bon, ça n’allait certainement pas la déranger. De tous les talents que Teagan possédait, cuisiner n’en faisait pas parti. Elle aimait bien, mais à chaque fois, elle risquait l’empoisonnement.

La décoration était simple. Outre les photographies encadrées se trouvant ici et là, ça se limitait aux coussins sur le divan et au drapeau des Chauves-souris épinglé sur le mur le même mur. L’endroit était bien éclairé, accueillant et à son image. Ça ferait un petit chez-soi pour le moment, malgré qu’elle pouvait se sentir chez elle n’importe où qu’elle pouvait traîner son balais.  Elle était simple et peut-être même encore plus maintenant.

Il y avait une chose qui la rendait un peu nerveuse et c’était le fait de retourner à l’école. La jeune femme n’était pas convaincue de vouloir aller à l’école parce qu’elle avait envie d’apprendre et pouvoir faire quelque chose de son diplôme. Après tout, c’était le quidditch sa vie. Non, au fond d’elle-même, elle savait bien que c’était ce nœud dans son estomac, cette petite peur qui la prenait lorsqu’elle sortait, cet inconfort lorsqu’elle pensait aux Rozenwyn. Elle n’avait jamais ressenti l’insécurité qui la suivait depuis qu’elle avait quitté Jay et vraiment, elle n’avait pas l’impression d’être capable de s’en défaire. Secouant la tête un peu, la brunette vint s’asseoir sur le divan, pour prendre une gorgée du thé qui reposait sur la table basse. Elle devait s’enlever ces idées de la tête, aujourd’hui, elle verrait son frère qu’elle n’avait pas vu depuis des mois.

Lorsqu’elle s’était mit en tête de venir le rejoindre, l’Irlandaise avait décidé de ne pas faire dans la surprise. Même qu’au moment de décider, elle avait été prise d’une faiblesse au niveau de sa confiance et de son estime. Et s’il ne voulait pas qu’elle vienne à St-Barnaby? Et s’il était en colère, parce qu’elle n’avait même pas daigné lui donner et prendre des nouvelles… Même pas une lettre, elle avait été occupée et puis lui aussi, il devait être occupé. Ces pensées s’étaient toutefois effacées assez rapidement. Quinn n’était jamais en colère contre elle et puis, il n’avait pas de raison de ne pas la vouloir ici. Ils étaient jumeaux, n’étaient-ils pas supposés s’aimer inconditionnellement? Ils devaient s’entraider et être présents l’un pour l’autre… Puis, elle avait réalisé qu’elle n’avait rien fait de cela. Elle le négligeait, sans même s’en apercevoir tant elle était absorbée dans sa propre vie. Peut-être que c’était maintenant son occasion de se reprendre. Enfin, il devait venir la rejoindre ici, après les deux jours qu’elle prit pour s’installer.

Ses yeux se posèrent sur les photographies se trouvant à côté de la bibliothèque, suivant les mouvements qui se répétaient, alors qu’un sourire vint étirer ses lèvres. Il y avait la famille au complet, les petits démons de sa sœur, Quinn et elle, la famille de nouveau, Riley et Quinn même. Elle avait du fouiller pour retrouver ces images, mais c’était tant mieux. C’était réconfortant, tout le monde semblait heureux.

Finalement incapable de rester assise pour plus longtemps, la jeune femme se redressa, pour aller vers les fenêtres et jeter un coup d’œil au ciel nuageux. Il s’assombrissait de plus en plus, mais c’était plutôt normal vu l’heure qui avançait. Elle jeta ensuite un coup d’œil au pub qui se trouvait tout en bas de la rue, où les gens entraient et sortaient encore et toujours. Ça semblait être populaire. Elle irait y faire un tour lorsque ce serait le bon moment. Après tout, elle n’allait certainement pas se priver de se faire de nouveaux amis. Nouvelle école, nouveau village, nouveaux amis. Plein de nouveaux amis et peut-être même qu’éventuellement, quelqu’un pourrait réparer son cœur. Elle était bien optimiste.

Jetant un coup d’œil à sa montre, Teagan s’éloigna de la fenêtre pour pouvoir jeter un coup d’œil au miroir. Ce n’était que son frère, mais elle pouvait au moins être présentable. Même habillée d’un jeans délavé et d’un pull noir et jaune, elle gardait la même élégance que lorsqu’elle portait une robe de soirée. Ses cheveux étaient attachés en un chignon maladroit duquel sortaient déjà quelques mèches. Elle s’apprêtait à retourner vers le divan lorsque finalement, elle entendit l’escalier à l’extérieur qui grinçait un peu, signe que quelqu’un montait. Oh! Il était là! C’est en sautillant un peu d’un pied à l’autre, avec énervement, qu’elle gambada jusqu’à la porte, pour l’ouvrir à la volée, avec un grand sourire.

Avant même qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit, la brunette lui sauta au cou, en riant joyeusement, pour l'étreindre avec force. Son visage vint s'enfouir dans l'épaule du jeune homme, le même grand sourire étirant ses lèvres, alors qu'elle poussa d'un ton heureux:

" Quiiiiinn! J'me suis ennuyée de toi! J'suis vraiment heureuse de te voir!"

Enfin, tout irait très bien, maintenant.

Lorsqu’elle avait enlacé Quinn, Teagan n’avait pu s’empêcher de sourire, de ressentir un bonheur intense, d’avoir l’impression d’être à la maison. Est-ce qu’elle était toujours aussi heureuse de le voir…? Peut-être. Après tout, jamais ils n’avaient été éloignés l’un de l’autre aussi longtemps et même si ça ne l’avait pas dérangé alors qu’elle était avec Jeremius, occupée avec sa carrière, maintenant elle s’apercevait qu’elle n’aurait pas dû faire traîner cela. Comment avait-elle pu le négliger ainsi…

Elle se dégagea de lui lorsqu’il entreprit le mouvement, restant tout de même tout près et même, accrochée à son bras. Il était content de la voir aussi, ça ne fit qu’apaiser la toute petite inquiétude qu’elle avait eue. Les yeux levés vers lui, elle lui souriait, l’observait avec attention, bien satisfaite de voir qu’il ne semblait pas avoir tant changé, si ce n’était qu’il avait peut-être maigri. Ça lui allait bien, alors c’était pour le mieux!

La jeune femme sautilla légèrement sur place en voyant les fleurs qu’il tendait vers elle, venant les prendre doucement pour les approcher de sa poitrine et les sentir.  Elle adorait les fleurs et celles-ci seraient parfaites pour compléter la décoration du studio. Alors qu’elle s’apprêtait à le remercier, il fit remarquer qu’elle ne devait pas avoir de vase et bien que c’était vrai, ça ne la dérangeait pas. Elle l’attira par le bras à l’intérieur du studio, répondant en même temps :

«  Sois pas idiot, Quinn! J’ai qu’à les mettre dans un verre avec un peu d’eau. Elles sont parfaites, je les adore! »

La brunette alla vers la petite cuisine, fouillant dans une des armoires pour trouver un verre de la bonne grosseur, tout ça en tenant toujours ses fleurs contre elle-même. Dans la maison de Jay, elle avait toujours demandé à ce qu’il y ait des fleurs en permanence. Rien de compliqué, juste quelques bouquets ici et là. Ça mettait de la vie, des couleurs, de la vibrance… Elle ferait de même ici. Après avoir trouvé un verre de grosseur satisfaisante, Teagan l’emplit à moitié d’eau et y posa le bouquet. C’était parfait! Prenant le verre d’une main, elle partit vers la table basse devant le divan et le déposa au centre, toujours en souriant. Elle tourna la tête vers son frère, un air de satisfaction illuminant son visage.

« C’que t’as du goût Quinn, on dirait qu’elles sont faites pour aller dans mon appartement! »  lui lança-t-elle en l’invitant d’un signe de main à s’asseoir sur le divan.

Ça faisait si longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi énervée. Elle avait envie de sautiller partout autour, c’était absolument ridicule! Bien vite, elle repartit vers la cuisine, question de récupérer des trucs à boire. Ils n’allaient tout de même pas passer la soirée à discuter et se rattraper sans avaler quoique ce soit. En fait, elle allait devoir dîner à un certain moment… Plus tard, ça irait.

Elle connaissait suffisamment son frère pour savoir qu’il ne dirait rien du tout contre une bière, à moins qu’il n’ait dérivé à ses habitudes, mais ça l’aurait étonnée. Alors qu’elle versait un premier verre de bière, l’Irlandaise entama la première question, lui lançant d’un ton léger :

«  Alors, petit frère, quoi de neuf dans ta vie excitante? M’man m’a tenu un peu au courant de ce qui se passait lorsque t’étais en Afrique, mais c’est pas mal tout. »

Elle passa au deuxième verre, versant avec attention le liquide foncé, pratiquement noir. En réalité, tout ce que sa mère avait dit, c’est qu’il était revenu de son voyage, qu’il n’était plus avec Trixie et qu’il avait décidé d’aller continué ses études dans un trou en Écosse. À ce moment-là, ça aurait été faux de dire qu’elle en avait été affectée, parce que vraiment, elle n’avait fait que se dire que c’était dommage qu’il lui soit arrivé quelque chose puis elle était passée à autre chose. Puis maintenant, maintenant qu’elle était en sa présence, qu’elle se sentait un peu comme une gamine à nouveau, elle avait ce petit sentiment de culpabilité qui lui tenaillait l’estomac, qui faisait qu’elle se sentait vraiment nulle de ne pas avoir été en contact avec lui. Et s’il avait eu besoin d’elle…? Elle avait été trop absorbée et égoïste pour même s’en faire. Elle allait se reprendre, elle pouvait être meilleure.

Finalement, elle accéléra le processus, puis une fois le deuxième verre rempli, Teagan revint vers la table basse, pour poser les verres de bière, un devant lui et l’autre à côté, où elle vint s’asseoir. À une distance raisonnable de lui, mais pas trop éloignée. Comme si elle avait peur qu’il se sauve en courant et qu’elle aille à le rattraper.

Même si elle écoutait attentivement les explications de son frère quant à ce qui pouvait bien s’être produit dans la dernière année, Teagan n’était pas le moins du monde convaincue de tout comprendre. Pourquoi n’était-il plus avec Trix’? Et comment avait-il pu rater son Ultimum? Elle le connaissait, il était intelligent, il avait les capacités de tout bien réussir, il était passionné… Qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour qu’il laisse tout là et en plus, pour qu’il ne veuille plus retourner à Londres? Elle avait tant de questions, mais elle savait bien que ça ne servait à rien de trop le pousser. Elle aurait à procéder lentement, à tâter le terrain, puis peut-être qu’il lui en dirait plus.

Elle savait bien que de se pointer ici, dans ce petit endroit reclus de l’Écosse allait provoquer un certain questionnement. Après tout, elle aurait certainement pu s’inscrire à l’UMA et c’est sans aucun doute qu’elle aurait été acceptée. Même si elle s’était trouvé un nombre incalculable de raisons autre que celle évidente, elle doutait fortement être en mesure de mentir à son frère et de simplement lui sortir un truc bidon. «  Oh tu sais, j’avais envie de changer. » « Je m’ennuyais trop de toi. » « J’ai besoin de plus. » Nan, pas avec lui. Premièrement, parce qu’elle mentait affreusement mal et deuxièmement, parce que c’était Quinn et qu’elle n’avait pas le courage de lui mentir. Au mieux, elle serait un peu vague, mais elle n’allait pas l’insulter en lui lançant des mensonges, pas après un an sans l’avoir vu. Elle échappa un soupir en détournant le regard du visage concerné de son frère, pour le poser sur sa bière, répondant ensuite :

«  Quinn… Les Rozenwyn ne sont pas de bonnes personnes… Ils me font peur, pour être honnête. J’veux plus qu’on m’associe à eux. »

Quant au quidditch… Son estomac se serra un peu plus en y pensant. Évidemment qu’elle voulait rejoindre l’équipe nationale, c’était ce qu’elle voulait faire de sa vie. Elle voulait battre des records, se lever chaque matin et être heureuse et satisfaite de son existence, mais ça ne pourrait pas arriver alors qu’elle était dans cet état. Pas alors qu’elle craignait de se promener seule le soir, qu’elle se sentait obligé de serrer sa baguette entre ses doigts à toutes les fois qu’elle ouvrait la porte de son appartement. Elle voulait se sentir en sécurité et si ça signifiait manquer une ou deux années –ou plus si nécessaire-de jeu dans l’équipe nationale, elle pouvait vivre avec. Elle pouvait même presque ignorer la petite voix qui lui disait qu’elle manquerait peut-être sa chance. Reposant les yeux sur son frangin, elle tenta un petit sourire et un haussement d’épaules, pour tenter d’avoir l’air indifférent, avant d’ajouter :

«  J’me reprendrai l’an prochain pour l’équipe nationale… C’est pas bien grave. »

Elle vint prendre une gorgée de son verre, puis se redressa du divan pour aller vers les grandes fenêtres et jeter un coup d’œil à l’extérieur. C’était… chaleureux, voilà le seul mot qui lui venait en tête lorsqu’elle regardait le village. Petit, vieux, typiquement Écossais. Ça lui plaisait bien. La jeune femme tourna la tête, pour sourire à son jumeau, en disant simplement :

«  Je me suis vue dans une vitrine de boutique, hier. La seule boutique de luxe de tout le village, j’imagine. Mon visage était là, en gros, avec le parfum annoncé. C’était… étrange. »

Elle lui fit un clin d’œil, puis posa les yeux sur le pub un peu plus loin sur la rue. Il y avait probablement de la nourriture là. Ignorant un peu le bruit que son estomac fit, elle se retourna vers la pièce et se rapprocha du divan, en jetant le plus beau regard qu’elle pouvait à son frère. Elle n’avait qu’à exploiter de ses talents, il pourrait lui cuisiner quelque chose de délicieux, d’encore meilleur que ce qu’elle mangerait dans un restaurant. En plus, elle avait acheté quelques trucs, sans trop savoir si ça pouvait aller tout ensemble, mais ça ressemblait à une soupe dans sa tête. Miam, de la soupe.

«  Tu vas me cuisiner à dîner, hm, mon frère favori que j’adore? Tu ne laisserais pas ta petite sœur chérie mourir de faim, han? Parce qu’elle a vraiment faim là, maintenant. » demanda-t-elle, en battant des cils.

Et voilà, la question du dîner était réglée, il allait lui cuisiner un truc.