À cette heure-ci, le hall était peu animé. En plein après-midi, un Samedi, tout le monde était en train de faire quelque chose. Sauf Ava, qui se sentait seule au monde. Aucun besoin de préciser que ça n’était pas son genre d’arriver en avance. Ponctuelle, elle l’était. Même qu’elle maîtrisait l’art du retard calculé, qui faisait toujours un effet monstre dans une fête et lui assurait dès les premières minutes un ou deux numéros de la part de mecs… voir de filles. Arriver juste au moment où la personne commence à vraiment vous attendre, juste avant que ça ne commence à l’énerver, c’était délicat mais gagnant. Mais se présenter à l’avance? Jamais. Ava n’était pas de celles qui étaient prêtes trois heures avant, non, elle était du genre à flâner jusqu’à la dernière minute, puis se préparer en un temps record. Pourquoi aujourd’hui était-il différent? Allez savoir, Colonel Bernioff dirait sûrement que c’est dans l’alignement des étoiles! Ça ou la hâte de finalement faire de quoi d’amusant! Miss Somerset était une jeune femme qui s’ennuyait vite. Ce n’était pas l’Italie ou Monaco ici, il n’y avait pas une fête tous les soirs et le bar du village était habité par toutes sortes de loups de mers et de vieux pervers parfois attendrissants comme Conrad. Le week-end, l’endroit prenait plus vie, certes, mais deux jours sur 7, c’était peu, très peu, trop peu. Au point où les deux premiers mois de cours, elle avait préféré aller passer les trois quart de son temps à Édimbourg, incapable de supporter l’ennui. Mais en ce début de Novembre, la brune prit une décision : faire de cet endroit quelque chose de plus amusant. Qui y verrait un problème? Pour bien étudier, il fallait parfois se détendre, se laisser aller et ce n’était pas avec les évènements d’Octobre ni avec les habitués de la Banshee que cela se produirait.

La belle avait donc commencé à fréquenter le Sor-Thé-Lège, qui s’avéra bien moins vide d’intérêt qu’escompté. Ava se rappelait encore avoir fini la soirée à moitié à poil à cause d’Aglae, l’exhibitionniste… bon, on lui avait pas cassé le bras pour non plus hein. Adossée au mur de pierre, elle eut un léger sourire en repensant à Quinn. Le pauvre s’était retrouvé avec deux nanas, dont une inconnue, qui se déshabillaient peu à peu devant lui, elle se souvenait encore des joues rouges feu qu’il avait. Il avait été adorable, à ne pas reculer devant sa propre gêne et continuer à jouer le jeu. Bien sûr, il avait été d’autant plus adorable une fois qu’ils s’étaient rencontrés proprement par la suite – c’est-à-dire tous les deux habillés et sans taux d’alcoolémie dans le sang – et aussitôt qu’il avait parlé d’un livre en runique qu’Ava n’avait jamais pu trouver avant, il était devenu un réel trésor. Ainsi, en échange du livre, la Monégasque lui proposa de découvrir les passages secrets reliant l’école au monde extérieur, parfaits pour faire fi du couvre-feu qui n’aurait convenu qu’à un pré-pubère.

Alors en ce début d’après-midi, malgré que ce fut un week-end, Avalon attendait Quinn, prête à lui montrer les quelques secrets très pratiques qu’elle avait pu apprendre sur ce château. Pour plus d’aisance, elle avait enfilé un t-shirt au col bateau très échancré, noir et simple ainsi qu’un pantalon Capri blanc. Elle n’allait pas à un gala après tout!

Finalement, Ava soupira encore et ferma les yeux, regrettant une fois de plus son avance. Encore un moment passa avant que l’Irlandais n’arrive. Elle alla vers lui et lui fit la bise avant d’adresser un large sourire à l’étudiant.

- Bonjour Quinn!

La brune dû lever son regard océanique pour croiser les prunelles azurs de Quinn, qui devait faire une bonne dizaine de centimètre de plus. Par toute la soie de beauxbâtons, les mecs ici sont tombés dans une potion de croissance étant enfants!

Un peu plus tôt, dans chambre n°7 du dortoir des garçons.

Son reflet dépassant quelque peu du miroir accroché sur le panneau intérieur de la porte de la penderie, Quinn devait se pencher légèrement pour tenter de remettre en place sa chevelure châtain mi-longue  -mais en vain.
Il finit de boutonner sa chemise à carreaux bleu et blanche et enfila par dessus son gilet en laine gris foncé, orné du blason des Ballycastle Bats sur la poitrine, tandis qu'il faisait mine d'ignorer les bruits de succion que faisait Finn, qui lui tendait sa bouche en cœur de façon grotesque, affalé sur son lit.

- "Arrête donc, je t'ai déjà dit que c'était pas un rencard !" lâcha-t-il en riant doucement, et jetant une paire de chaussettes roulée en boule sur la tête du rouquin.

Assis sur son propre lit, Harold tentait de lire un roman de Barjavel, amusé par les pitreries de ses camarades de dortoir.
Seul le lit de Walter était vide.

Quinn referma la penderie et attrapa son exemplaire runique de A Midsummer Night's Dream, qui n'avait pas quitté sa table de nuit depuis qu'il avait promis à Avalon de le lui prêter. Il eut tout juste le temps d'entendre Finn lui lancer un "on t'attend pas ce soir, hein ?" taquin, avant de quitter le dortoir, un sourire amusé aux lèvres.

Lorsqu'il repéra la jolie brune qui l'attendait près de l'entrée -un coup d'oeil à la grande pendule du hall lui permit de remarquer qu'il avait quelques minutes de retard- il s'approcha d'elle avec un sourire.
Il fallait bien l'avouer, la bise d'Avalon le surprit, peu habitué qu'il était à cette coutume  latine. Il déposa cependant une légère bise sur les deux joues de la jeune sorcière, puis fit un pas en arrière, lui tendant le livre qu'il avait sous le bras.

- "Tiens, comme promis ! Désolé pour le retard, j'espère que je ne t'ai pas fait attendre trop longtemps ?"

Quinn lui donna le livre et Ava sentit son sourire s'élargir. Enfin, elle pourrait lire le songe d'une nuit d'été en runique. Jamais la brune n'était arrivée à le trouver auparavant, allez savoir pourquoi. Quinn s’excusa pour un retard qu’il n’avait pas de toute manière selon elle et la brune sourit. Il était si gentil et doux et poli qu’Ava se sentait presque mal de devenir l’une de ses fréquentations et risquer au pauvre Doherty de subir son influence.

- T’inquiètes, t’as été juste assez en retard pour te faire désirer! Lança Avalon en lui adressant un clin d’œil.

Elle se retourna pour ranger le bouquin dans son sac qui était contre le mur et empoigna la ganse. La brune fit de nouveau face à Quinn. Il était rouge, comme chaque fois qu’elle cherchait à le rendre ainsi. Il était bien habillé et honnêtement, ce  look lui allait à merveille. Elle enfila sa veste de cuir brun qu'elle avait laissé choir sur son sac et passa ce dernier en bandoulière. En regardant un peu son attirail, elle se dit que les talons haut n'étaient peut-être pas la meilleure idée, mais bon, elle pourrait les enlever et les fourrer dans son sac si besoin.  Avalon s’étira avant de demander à Quinn.

- Alors, tu es prêt à découvrir les secrets qu’offrent St-Barnaby?

Elle prit la main de son nouvel ami et descendit  vers les cachots. Au fond d’un tout petit couloir, une pièce. Ava s’avança à pas sûr vers cet endroit et ouvrit la porte. Devant leurs yeux se trouvait un petit débarras, des balais, certains cassé, des petites tables, des coffres multiples et beaucoup de poussière. Sauf sur une large et haute armoire toute égratignée. La monégasque lança un regard joyeux à Quinn et alla vers le meuble énorme, qu’elle ouvrit en grand.  L’armoire, d’un bois pâle, paraissait tout à fait normale. Rien qui détonnait, rien qui donnait à suspicion, si ce n’était l’absence de poussière susmentionnée. Pourtant on entendit les talons de la belle claquer sur le bois alors qu’elle venait d’entrer dans le meuble.  Elle posa son poing sur le fond, tout à la droite et donna un bon coup, qui fit relever le côté gauche. He oui, le fond n’était plus rattaché depuis longtemps. Elle ressortit, ôtant le fond du meuble de son socle et rentra à nouveau, caressant du bout des doigts  la pierre froide. Ses doigts stoppèrent sur une pierre un peu plus lisse, plus chaude aussi. Sortant sa baguette, elle la posa sur cette pierre, mais se retourna un instant vers Quinn.

- Et maintenant, monsieur, mon passage favori!

De la même incantation que celle pour entrer au Chaudron Baveur depuis le Londres Moldu, elle fit ouvrir un passage dans la pierre, qui menait à un long tunnel de pierre et de terre tapée. Un dernier sourire typique d’Ava à l’intention de son ami en le laissant entrer en premier et elle refermant le passage derrière eux. Dans un murmure, elle anima sa baguette d’un Lumos et releva son regard vers celui de l’Irlandais, toujours l’air aussi guillerette. Elle adorait les surprise, surtout quand c’était d’en faire aux autres. C’était dans sa nature d’aimer voir l’émerveillement dans le regard de son entourage.

- Tu vas voir, tu vas adorer ou ce tunnel débouche!