Pouet:

Le cours d'étude des runes avait été une épreuve. Si les symboles passionnaient ordinairement Leona, elle n'avait pas pu se concentrer cette fois-ci. La raison de son trouble était assise deux rangs derrière elle. Ou plus exactement elle était dans Leona elle-même, dans la culpabilité qui la rongeait en la présence d'Ophelia.

Avant le début de ce cours où elle lui avait rendu ses vêtements en la saluant à peine, la Sinsear n'avait pas vue la Monaraith depuis « l'épisode » au Sort-THÉ-Lège. Elles s'y étaient croisées le lendemain du soir où elles avaient couché ensemble. A ce moment-là Leona était si gênée qu'elle avait ostensiblement évité Ophelia, préférant sortir sur le balcon avec Phillip.

Mais lorsqu'elle en était venue aux mains – pour plaisanter – avec le venimeux dealer, la brune s'était aussitôt interposée. Il l'avait ridiculisée et Leona s'était sentie elle-aussi humiliée.

Elle en avait voulu d'abord à son amie de lui avoir fichu la honte devant Phillip, mais elle s'était ensuite morigénée : quelle réaction immature, alors qu'Ophelia avait été si gentille du début à la fin ! Depuis elle était plus gênée que jamais et en plus, elle s'en voulait. Pas facile avec ça de déchiffrer des runes !

A la fin du cours elle avait donc rassemblé tout son courage – minime, elle n'avait jamais eu l'âme d'une Gryffondor – et avait proposé à Ophelia un verre au Sort-THÉ-Lège. L'étude des runes finissait tard : c'était une bonne heure pour prendre l'apéritif.

Elles avaient devisé gaiement comme lors de leurs premiers rendez-vous et Leona espérait son objectif atteint : qu'elles deviennent simplement des amies. Pour éviter toute ambiguïté elle avait même flirté avec deux des garçons présents, qui lui avaient payé un verre de vin chacun. Si elle flirtait avec d'autres en sa présence, c'est que c'était bien clair qu'elles étaient simplement amies, n'était-ce pas ?

Ensuite l'un des garçons – il lui semblait qu'il s'appelait Seamus – avait proposé de faire un jeu à boire. Les deux filles avaient accepté avec enthousiasme même si Leona − trois verres au compteur − n'avait pas très bien compris les règles.

De toutes façons tout le monde avait semblé se liguer contre elle pour la faire boire jusqu'à ce que le plafond se mette à tourner beaucoup et que les garçons s'amusent à essayer de la faire marcher, elle faisait deux pas et elle tombait, hips, dans leurs bras bien sûr, l'un d'eux était mignon mais elle ne savait pas si c'était Seamus ou l'autre, elle ne se rappelait plus de son nom.

De toutes façons tout le monde dans le café était très mignon et très sympathique, elle ne savait pas quelle heure il était mais c'était au moins l'heure de faire la fête pour une fois qu'elle avait une soirée de libre. Elle jeta un oeil torve vers l'horloge qui semblait sceller, déceler, receler des secrets : il était au moins trouze mille heure du matin.

Une pensée très drôle lui traversa l'esprit et elle se tourna pour la faire partager à Ophelia mais le temps qu'elle effectue la manœuvre − Merlin comment on tourne quand tout tourne déjà autour ? − elle avait oublié à quoi elle pensait. Et Ophelia n'était plus là.

Si vous voulez la musique ^^:

L’étude des runes l'avait toujours apaisée, cette matière avait certes quelque chose d’interprétatif, dans la traduction, mais cela restait suffisamment académique pour qu'elle n'y mette pas trop d'elle-même. Elle aimait pouvoir se reposer sur ses lauriers sans pour autant renoncer à ses bons résultats. En cela, oui, elle avait quelque chose de typiquement serpentard, tout en détestant correspondre à ce cliché.

Le cours touchait justement à sa fin. Ophelia, lasse, se pencha en avant et déploya sa gorge tendue par l'effort. Elle avait mal dormi cette nuit, à vrai dire, elle avait du mal à dormir depuis quelques jours, depuis que... Les yeux d'émeraudes de la monaraith glissèrent sur Mademoiselle Connor. Soyons honnêtes, elle aurait aimé les glisser sous la jupe de Mademoiselle Connor.  

* Sérieusement, elle s'habille comme une gamine. * Son style changeait tout le temps et à ses yeux, ne s'améliorait jamais. Cette jupe était évasée comme celle d'un uniforme, son pull, lui, était difforme, elle était trop ronde pour porter un turtle neck, ses collants étaient abîmés et bordel, qu'est-ce qu'elle était excitante. * Il suffit ! *

Elle avait pris la meilleure décision du monde chez elle ; la laisser partir, la laisser être libre et faire un trait sur elle. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de penser. Au Sor-thé-lège, elle l'avait crue en danger et s'était ridiculisée. En se confiant à Adelina, elle s'était sentie plus que jamais perdre le contrôle. Aujourd'hui, en se regardant dans le miroir, elle avait vu une femme au visage dur, trop bien habillée, bien rangée et bien seule. Elle avait conclu qu'à ce stade il lui fallait absolument oublier Leona, ou voir le sens de sa vie s'effondrer. Un sortilège d'Oubliettes peut-être ? Mais elle ne voulait pas oublier. Elle voulait recommencer, elle là, saurait quoi lui faire.

« pff » * Laisse tomber *

Pourquoi se faire encore des idées ? Encore une semaine ou deux et cela ferait partie du passé. Par  exemple, c'était juste la fin du cours . Leona s'était approchée d'elle, et elle allait passer devant elle sans rien lui dire. Elle n'allait pas lui proposer de prendre un verre, elle avait mieux à faire, avec sa libido de...

« Au Sor-thé-lège, tu veux venir ? »

* C'est une blague ? Elle exagère là, dans quelques semaines, bien sûr, mais là, alors qu'elle venait de récupérer ses affaires de rechange... Et c'est quoi ce collier ? *

« Oui. Je te suis. »

…

Quelques heures plus tard, Ophelia était coincée entre deux lourdeaux et une nymphette bourrée qui les draguait outrageusement et sans les différencier l'un de l'autre. Par habitude, elle avait triché au jeu à boire, elle n'aimait pas savoir que ses jugements étaient altérés en public. Puis elle comprit que cette décision était très mauvaise pour de telles circonstances. Sobre, tout était plus affligeant. Les gens suaient, l'alcool avait un goût immonde, et les phrases d'accroche étaient systématiquement vulgaires et piètres. Aussi, elle pouvait voir sous son tricot vert qu'un sein s'était échappé du soutien gorge de Leona, complètement stone, complètement bonne.

C'en était trop. Alors que Leona se roulait sous la table, Ophelia s'était levée pour partir. * Si c'est ça que tu veux, je me tire. * Elle insulta tous les hommes qui s’arrêtèrent sur le physique étrange de la Monaraith, et s'effaça sous les huées. En un éclair, elle était sortie de l'établissement et avait transplané chez elle.

Elle était encore furieuse elle... s'était instinctivement approchée de la chaîne stéréo et allait mettre un CD à elle, quelque chose pour la détendre, qu'elle écouterait en sirotant une tisane, elle aurait un peu pleuré, mais elle était de nouveau chez elle et rien ne pouvait lui arriver.

* Mais... zone de confort, tant que je suis à l'intérieur, rien ne peut m'arriver... pas même ce que je désire le plus. *

Elle mit la radio.



Elle avait déjà entendu ça. Bon elle avait peut-être bien aimé ça, peut-être bien qu'elle connaissait même les paroles, mais c'était pas une raison ! Elle alla dans la cuisine, il n'était pas trop tard pour revenir en arrière. La théière était à portée de main, elle n'avait qu'à faire comme elle avait toujours fait. * Sobre tout était plus affligeant... * Elle fit volte-face et sortit de sa petite cave les meilleurs whiskys qu'elle gardait. * Pour une grande occasion * Au goulot, elle but la moitié d'une bouteille comme de l'eau, à elle seule, et monta le son.



Maintenant elle avait envie d'y retourner mais elle croisa son reflet dans le miroir, la fois de trop.

« Encore toi ?  T'en as pas marre d'être là ? T'es seule ma pauvre fille ! T'es pitoyable ! Tu vaux pas mieux que ces types louches qui lui font tourner sa petite tête bleue... ! »

Elle éclata de rire. Elle avait toujours eu les vêtements et le corps pour le faire ! Tout en se travestissant elle pensa à la fois où, en Amérique, elle s'était faite passer pour un homme pendant des semaines. Les filles lui couraient après. Il n'y avait que ce petit détail à régler. Elle prit dans sa main un épais morceau de sa crinière noire avec un petit regard nostalgique, puis les cheveux tombèrent sur ses pieds. Prête. Elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle se remit en route. Dans sa tête, la musique s'entêtait.



Dragking ?

Leona battit des paupières en tombant. Le garçon qui ne s'appelait pas Seamus la rattrapa et elle voulut rire mais son visage était figé. Elle savait que quelque chose était important mais elle n'arrivait pas à se rappeler quoi. Elle se dégagea de son étreinte en tentant de rassembler ses pensées.

S'accrocher. Que voulait-elle se dire ? Ophelia ! Oui, Ophelia avait disparu ! Que s'était-il passé ? Est-ce que le monstre du Loch Ness l'avait mangée ? Non, ce n'était pas ici le monstre du Loch Ness. Le croque-mitaine peut-être ? Ou l'un des fantômes de St-Barnaby ? Cette école avait une histoire tellement terrible...

Dans un éclair de lucidité, elle repoussa un verre que Non-Seamus lui tendait. Il essayait clairement de la soûler et elle en fut un peu contrariée. S'amuser était une chose, mais là il tentait de la manipuler. Elle n'aimait pas ça, les gens manipulateurs. Malhonnêtes. Et puis il était trop bête pour comprendre que ce n'était pas la peine de la soûler pour coucher avec elle, tant pis pour lui.

Ayant réussi à attraper ce petit bout de conscience, elle s'y accrocha. Remonta le fil. Elle devait boire pour ne pas avoir une horrible gueule de bois le lendemain. Boire de l'eau. Aux toilettes, elle passa son visage sous le jet glacé. Ça faisait du bien. Elle croisa son visage dans le miroir. Elle était très pâle. Elle remit du rouge à lèvres et se sentit immédiatement mieux.

Dans le café, Seamus et Non-Seamus échangeaient bruyamment des propos vulgaires à propos de sa personne. Elle avait l'habitude, mais ça la mettait toujours autant en rogne. Et ils étaient trop bêtes – ou trop bourrés – pour se rendre compte qu'elle les entendait, tiens. Elle décida de rester un peu dans les toilettes. Pour passer le temps elle sortit son crayon noir. D'une main sûre elle redessina l'intérieur de ses yeux mais elle n'osa pas en mettre sur la paupière, le trait de liner demandait trop de précision et elle était consciente de son état.

A la place elle se dessina une fine moustache à la Dali sur la lèvre supérieure. Ça lui allait très bien. Elle ajouta un petit diadème sur le front. Elle devrait se mettre au dessin, pourquoi est-ce qu'elle n'avait jamais fait de dessin ? Elle était très douée quand elle était petite, elle en faisait dans son école moldue. Elle pourrait demander conseil à Adele.

Seamus et Non-Seamus avaient arrêté de parler à côté. Ils devaient être partis. Satisfaite, elle jeta un dernier coup d’œil au miroir et sortit des toilettes.

Ils étaient partis, en effet. Il n'y avait plus qu'un étudiant dans le café, un jeune homme en casquette marron qu'elle n'avait jamais vu. C'était assez rare, peut-être qu'il venait d'arriver. En plein milieu d'année ? En plus il lui rappelait vaguement quelqu'un, mais qui ?

Elle commanda une menthe à l'eau avec beaucoup de glaçons – qu'il faisait chaud bon sang, et pourtant elle n'avait plus son pull, elle ne se souvenait plus de quand elle l'avait enlevé – et s'approcha du jeune homme. Quelques mèches brunes dépassaient de sa casquette marron. Il portait un blouson teddy par dessus une chemise, curieux choix vestimentaire. Mais enfin, qui était-elle pour critiquer ?

Elle lui tendit la main dans un mouvement un peu trop enthousiaste :

« Bonjour, Leona Connor ! »

Elle prit une gorgée de sa menthe à l'eau. Le liquide glacé descendit dans sa gorge comme un miracle. Bon sang, pourquoi coucher avec des gens quand s'hydrater était déjà un tel plaisir ?

Effacée dans les quinze secondes, cette réflexion ne l'empêcha pas de prendre son ton de flirt habituel en se penchant vers le jeune homme :

« Je ne crois pas que nous nous soyons déjà croisés ? »

Quand Ophelia pénétra de nouveau dans le sor-thé-lège, il le trouva encore plus sale qu'à son départ. * On croirait presque le bloody ghoul par ici * En même t'emps, il était vrai qu'il se faisait tard. Lui et Leona ne devrait pas tarder à partir. Aller ailleurs ou rentrer à l'appartement ? Cet espoir lui donnait du baume au cœur. * On va voir comment elle me trouve à présent * L'alcool l'emplissait de confiance absurde. Un peu trop probablement, c'est ce qu'il se dirait le lendemain matin en se souvenant avoir menacé Cornelius et Seamus en soutenant être « l'ami » de Leona. Ils l'avaient insupporté, et il les voulait loin, très loin.

Il constata également les visages sceptiques de certains, mais personne ne jugea utile de se poser vraiment des questions. Il y avait des nouvelles arrivantes qu'Ophelia entendit glousser sur son passage. Lorsqu'il le remarqua il reconnut deux étudiantes en Monaraith, de la même année que lui, elles étaient possiblement éméchées par les verres de bière qui gisaient sur leur table, mais tout de même, elles étaient dans sa classe. Pensif, il médita à sa nouvelle identité, il pourrait simplement se faire passer pour son frère, cela lui éviterait de trop réfléchir et de toute manière, il n'était plus capable d'inventer autre chose, avec un peu de chance, il n'aurait pas même à aborder le sujet. Cela dépendrait de Leona, qui avait disparu. * J'ai peut-être encore abusé avec ces types... * Néanmoins à son aise de sa nouvelle peau, il avait demandé un verre et s'était assis au comptoir. Au moins, les serveurs du sort-thé-lège ne le connaissait pas. Une fille s'assit à ses côtés, une certaine Orchidea, qui semblait vraiment, vraiment, très alcoolisée et curieusement enchantée à l'idée de se plaindre auprès de lui de sa solitude. Un peu gêné, il chercha une cigarette dans son sac, qui était resté le même depuis ce matin, dommage... Il le cacha rapidement à ses pieds avec une mine dépitée. Il n'avait pas remis de cigarettes dans son sac depuis ce jour où il avait offert son paquet aux épices à Arabella. Ce serait d'ailleurs sympa de la revoir, pas habillé de la sorte évidemment, mais elle lui avais fait une bonne impression. C'est à ce moment, qu'Orchidea lui mit une cigarette dans la bouche, et lui alluma.

« C'est ce que tu cherchais ? »

Il n'eut pas le temps de répondre qu'on l'interpella de nouveau

« Bonjour, Leo... »

* C'est ce que je cherchais * Mais alors qu'il se retournait vers elle, son visage peinturluré lui sauta aux yeux. Est-ce qu'elle l'avait démasqué ? Cette moustache ressemblait drôlement à une provocation... Qu'est-ce qu'elle avait sur le front ? Un oiseau ? Orchidea, qui s'était blottie contre lui sans qu'il ne s'en soit rendu compte, s'esclaffa et demanda d'elle-même, mettant fin au silence ;

« Mais Leona, c'est quoi cette tête ? » Ophelia en profita pour ne pas intervenir.

« Je ne crois pas que nous nous soyons déjà croisés ? »

A quoi jouait-elle ? Devait-il assumer son déguisement ou continuer de jouer le jeu ?

« Il me semble que si, mais certainement pas dans ces circonstances. » Il esquissa un sourire qui se voulait confiant et but une gorgée de bière mais s'étouffa presque en réalisant sa chance. La cigarette d'Orchidea avait significativement aggravé sa voix. * Je dois rêver * Leona semblait intriguée par cette réaction.

« Ce n'est rien, je réalise juste ma chance... » Orchidea gloussa, encore, et Ophelia leva les yeux aux ciels.

« Je ne me montre pas beaucoup. Je peux t'offrir quelque chose pour me faire pardonner ? » Elle avait beau être ridicule avec ce visage crayonné, il était fou amoureux d'elle.


…



* Je suis quoi  ? *

« Mais enfin Leo, c'est quoi cette tête ? »

Leona fronça les sourcils, vexée de la remarque de la fille. Elle la reconnaissait, elles avaient couché ensemble quand elle était en première année. Pétunia, Orchidea, Pissenlia, un truc du genre.

« Tu ne disais pas ça cette nuit-là » lança-t-elle sèchement. La fille ne sembla pas comprendre.

Cette jolie fleur lui piquait sa cible. Leona ne connaissait pas la jalousie mais elle avait le sens pratique, et elle savait très bien qu'un jeune homme ne pouvait coucher qu'avec une seule femme à la fois.

Oh, wait.

Elle changea sa stratégie et se colla entre la fille et le nouveau venu, prenant chacun dans un de ses bras. Elle tapota tendrement la tête de Pétunia lorsque celle-ci se mit à glousser. Si elle comptait toujours finir dans le lit du beau brun, la fleur devrait lui faire une place. Et puisqu'il parlait de sa chance, le garçon devait être partant.

Leona chercha dans sa mémoire dans quelles circonstances elle aurait pu croiser le jeune homme. C'était peine perdu : malgré la menthe à l'eau, son cerveau restait un gruyère. Un emmental plutôt. Tout le monde faisait toujours la confusion.

Elle accepta volontiers le verre – elle avait presque fini son sirop – mais demanda un monaco. Elle ne supporterait pas davantage d'alcool.

« Alors comme ça tu ne te montres pas beaucoup ? » minauda-t-elle. « Pourquoi donc ? Si tu passais ton temps à étudier, je t'aurais vu à la bibliothèque. »

Ça ne paraissait pas comme ça, mais la bibliothèque était un très bon terrain de chasse. Elle aimait les belles gueules, mais un joli cerveau était toujours attirant. Et demander de l'aide pour un devoir était une approche si facile...

Le barman envoya à Leona son verre de monaco. Elle le remercia d'un signe et se tourna vers le brun qu'elle tenait toujours par l'épaule – elle avait dû lâcher Pissenlia pour prendre son cocktail mais la blonde l'avait prise par la taille. Elle aussi devait adhérer à cette idée de plan à trois, ou alors elle n'arrivait juste plus à tenir sur son siège.

« Merci mister... mais au fait, tu ne m'as même pas dit ton nom ? »

Il lui rappelait quelqu'un, se dit-elle en sirotant son monaco, mais elle ne parvenait pas à retrouver qui. Peut-être qu'ils s'étaient déjà vus en effet, dans d'autres circonstances.

Elle le regarda fumer, séduite. Elle avait toujours eu une sorte de fascination pour la fumée. Elle s'approcha du visage du garçon pour aspirer son souffle, en emplit ses poumons, lui effleura les lèvres.

Ophelia comprit son erreur quand il constata ce qu'il se passait entre les deux filles, et était maintenant coincé entre deux demoiselles également intéressées. Mais alors que le contact avec la première n'avait provoqué chez lui qu'une certaine gêne, il fut bien contrarié de devoir en gérer deux à la fois. Leona commanda un Monaco, et il lui adressa un regard approbateur. A vrai dire, il s'en voulait déjà de l'avoir laissée seule dans cet état. Sa peau avait pâli et même si elle ne s'en rendait pas compte, elle titubait assez visiblement. Ophelia se promit de s'occuper d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Tout sauf l'abuser. Il lui répondit par un sourire attendri par sa première approche en lui retournant la question.

« Parce que toi tu connais tout le monde sur cette île ? »

A cette pique, une Orchidea taquine renchérit ;
« Oh ! Elle fait bien plus que les connaître. »
Ce à quoi elle ajouta avec un clin d'oeil exagéré « Si tu vois ce que je veux dire »

* Subtile... *

Ophelia se vit dans le devoir de bientôt congédier la petite blonde qui en plus de s'imaginer monts et merveilles, l'agaçait terriblement. Il lui aurait probablement fait comprendre dans l'instant si elle ne s'était pas empressée de répondre d'elle-même à la question suivante.

« Parce que moi je le connais très bien ! Si tu vois ce que je veux dire ! »

* Sérieusement, pour qui elle se prend cette fille ?* Cela ne pouvait pas continuer...

« Leona Connor, enchanté de te connaître, tu peux m’appeler... »

Le silence amorcé par la réflexion commençait déjà à être suspect lorsqu'il termina sa phrase, faisant preuve d'un très grand contrôle de lui-même.  

« OSWALD je m'appelle Oswald, vraiment. »

Un très grand contrôle... accompagné d'un soupir de soulagement. Puis il se retourna vers Orchidea d'un air désolé.

« Et je ne connais pas cette fille, pas plus que je ne te connais toi. »

Il la regarda de nouveau, tandis qu'elle s'approchait lentement de son visage. Cette proximité l'étourdit et tout lui revint. Tout ce dont il avait parlé avec Adelina, toutes les décisions qu'il avait prises, tout était prêt à s'envoler avec la fumée de cigarette qu'elle venait respirer. Ses lèvres finirent par effleurer les siennes. Elle était magique, magique et ivre. Il fallait qu'il arrête de penser à lui et qu'il s'occupe d'elle.

« Est-ce que tu veux manger quelque chose ? »

Leona adressa au garçon son sourire le plus charmeur.

« Enchantée, Oswald. »

Au regard qu'il jetait à Coquelicota, elle comprit qu'il était moins intéressé par la blonde que par elle. Peut-être qu'il ne seraient que deux, finalement. Ça ne la dérangeait pas. La fille ne lui avait pas laissé un souvenir flamboyant.

Elle inspira profondément la fumée et profita de l'effet dans ses poumons. Elle adorait faire ça, c'était vraiment son moyen préféré de consommer des cigarettes. Mais lorsqu'Oswald lui demanda si elle voulait manger quelque chose, elle redescendit aussitôt sur Terre. Il était au moins trouze mille heures et demi − non, elle se concentra mieux sur l'horloge : il était dix heures du soir − et elle n'avait rien mangé depuis midi. Elle accepta volontiers, offrant au jeune homme un air de chaton reconnaissant.

« Qu'est-ce qu'on mange ? »

Elle se pendait presque à son coup désormais. Tulipa en avait eu marre d'être ignorée et s'était éloignée, tentant sa chance avec une bande de garçons qui venaient d'entrer. Elle reconnut Liam Oldford et lui souhaita mentalement bon courage.

Leona s'approcha d'Oswald, se colla à quelques centimètres de son visage et, les yeux plissés, l'inspecta. Un visage atypique, classiquement viril certes, mais détachant quelque chose de plus. Jolie peau blanche, elle avait l'air très douce. La jeune femme s'y frotta en ronronnant presque. De la soie. Et des yeux... elle connaissait ses yeux. Elle prit le visage de l'étudiant entre ses mains pour mieux les regarder.

Son ventre grommela. Leona se rappela soudain qu'ils étaient partis pour manger. Elle planta un baiser sur les lèvres d'Oswald et s'écarta de lui, sourire aux lèvres, prête à partir.

« Mon pull ! »

Oui, depuis tout à l'heure, elle n'avait plus son poncho. Il allait faire froid dehors. Où l'avait-elle mis ? Les yeux plissés, avec la même concentration que pour regarder Oswald, elle scanna la pièce du regard. A hauteur d'épaule, tout d'abord. A hauteur de hanches. C'est finalement en regardant au sol qu'elle le trouva, roulé en boule dans un coin. Elle le dépoussiéra grossièrement et l'enfila.

« Pardon pardon ! Je suis prête ! »

L'idée de la nourriture lui fit oublier les yeux verts d'Oswald, ces yeux qu'elle connaissait un peu trop bien. Elle le suivit.

Evidemment, Oswald avait d'abord pensé à inviter la Sinsear chez lui, mais il se souvint peu après avoir fait sa proposition que celle-ci n'aurait aucun doute quand à la propriété de l'appartement... Même si elle n'était restée qu'une nuit, elle avait eu l'occasion d'explorer et elle semblait déjà avoir suffisamment de soupçons concernant son identité. Il pensa donc à l'Auberge du Boobrie où elle pourrait manger et dormir.

« Ce que tu veux, mais au Boobrie » fit-il en essayant de donner à cette annonce l'enthousiasme attendu, assez piètrement. « On sera plus au calme. »

Il n'avait pas réalisé le départ d'Orchidea avant que Leona ne se pende à son cou, nouvellement dégagé. Il se permit de poser une main sur son dos, à la fois parce qu'il ne pouvait que le désirer et parce qu'ainsi, il l'empêcherait de tomber de son tabouret. Elle était très agitée et joueuse. Loin d'être apeurée à l'idée de s'échapper avec un garçon dont elle ne connaissait que le prénom. Cette satanée fille n'essayait même pas de se protéger. Elle prit son visage contre elle avec intérêt, comme si elle y cherchait quelque chose. En retour il se laissa aller à regarder sa bouche ronde et rouge comme un bouton fleur.  Elle s'approchait de plus en plus, comme hypnotisée par son visage et lorsqu'elle frotta sa joue contre la sienne il sentit cette douce chaleur le parcourir. Il se regardaient tout deux avec douceur. C'était comme si c'était la première fois qu'il osait vraiment la regarder. Mais fidèle à elle-même, Leona ne se posait jamais très longtemps. Ce débordement d’énergie la fit jaillir loin de lui, à la recherche de son pull.

Lorsqu'elle le rejoint devant la porte, il arrangea son pull et en fit sortir son collier cupcake puis dégagea un peu son visage. Elle transpirait un peu. Il la prit par le bras et ils sortirent doucement du bâtiment universitaire.



[RP terminé]