Il y avait bien une petite voix, quelque part dans les tréfonds de l'inconscient d'Hermia, qui lui hurlait que  quelque chose n'allait définitivement pas avec cette potion.

Peut-être parce qu'elle était bleu céruléen alors qu'elle aurait du prendre une nuance Bleu de France.

La plupart des gens se contrefichaient totalement de la nuance infime qu'il existait entre ces deux couleurs et , dans le fond ils avaient bien raison. Fondamentalement ce n'était pas vraiment le genre de variation que 'on remarquait facilement sur un bout de tissu. C'était juste « un peu bleu gris quoi ». Mais Hermia ne faisait plus partie des gens du commun depuis de longues années maintenant et , elle savait que lorsqu'on manipulait les potions – et  plus particulièrement les poisons qui faisaient l'objet de ce cours – une ridicule variation pouvait s'avérer terrible. Ce n'était quand même pas sa faute si les potions étaient quelques peu capricieuses.

En vérité ce qui la chagrinait c'était encore le fait qu'elle n'avait pas l'habitude de rater les potions. Ça n'avait jamais été le cas et au collège elle avait même été la meilleure de toute sa promotion dans l'art de leur confection et c'était sans doute pour cette raison que son esprit refusait d'assimiler le fait que quelque chose allait mal se terminer. Ça plus le fait que sa camarade de paillasse n'avait toujours pas bronché non plus et il se trouvait que Hermia avait pleinement confiance en Alexis. Si elle non plus ne faisait pas la moindre remarque c'était sans doutes qu'elle s'inquiétait pour rien.  En tout cas elle tentait de s'en persuader. Hermia estimait beaucoup l'Allemande, l'aimait franchement et ne s'était jamais autant félicitée d'aller régulièrement aux réunions du groupe de soutiens aux étudiants étrangers que le jour où elle avait rencontré l'autre blonde. Elles ne venaient peut-être pas du même endroit mais quelque chose s'était passé. De l'une à l'autre. Indéniablement. C'était sans doutes pour cette raison qu'elle avait toute foi en son jugement sur presque tout et , en l’occurrence, les potions.

Évidemment il y  avait la possibilité qu'Alexis elle-même soit confrontée au même dilemme interne. Et là naturellement les choses ne risquaient pas d'aller en s'arrangeant.

Sa baguette retenant ses cheveux dans un chignon désordonné elle s'était penchée sur le chaudron pour tourner la mixture dans le sens des aiguilles d'une montre cependant qu'elle cherchait à quel moment elles avaient pu se planter dans le protocole.

1

Pourtant elle étaient toutes les deux de bonnes élèves et elle n'étaient pas vraiment du genre à se laisser distraire et à papillonner pendant quelque chose d'aussi important que la préparation d'une potion.

2

Quels étaient les effets du poison qu'elles préparaient déjà ? Nausées. Douleurs articulaires et puis il y avait aussi...Hystérie, crises de paranoïa. Logique elles avaient ajouté les fleurs d'alihosty en début de préparation. Coupée finement. Elles s'étaient rapidement délayé. Parfaitement délayé. Pas que ce soit impressionnant.

3

Glandes salivaires de Sangsues pour leur propriétés anticoagulantes. Hermia s'était demandée un moment qui utilisait ce genre de poison. L'effet était plutôt pervers au final. Donnait envie de vomir, causait de terribles douleurs, des crises d'hystérie et empêchait les blessures de se refermer...est-ce que la pauvre victime avait seulement une chance de s'en tirer ? Certes il ne tuait pas directement , mais la mort pouvait survenir par la suite. Une crise d'hystérie qui tourne mal, une blessure qui ne se referme pas …

4

Belladone. Provoque de graves hallucination, surtout combinée à d'autres plantes toxiques. Comme..eh bien comme l'alihosty.

Elle retira la louche en argent du chaudron et se recula légèrement. Cette maudite mixture était toujours un quart de ton trop foncé. Elle pinça les lèvres, signe de son extrême nervosité.  Elle tenta péniblement d'esquisser un sourire. Parce que Hermia souriait toujours mais étira plutôt un genre de grimace.  Elle se tourna légèrement en direction de sa voisine de droite et chercha les bons mots. Histoire de voir ce qu'elle même pensait de la situation sans pour autant alarmer qui que ce soit. Après tout il n'y avait peut-être aucune raison de paniquer. Non ?

Un genre de petit rire nerveux lui échappa et elle plaqua une main sur sa bouche pour le faire taire rapidement. Elle n'avait pas vraiment eu l'intention de ricaner mais...

« – Alexis ? Je ne voudrrrais pas avoirrr l'airr de paniquer pour  rrrien mais, est-ce que tu te souviens de la quantité de poudrrre de belladone que nous avons ajouter à la potion ? C'est que...je la trrrouve un peu foncée depuis quelque minutes et...je me demande si on aurrrait pas foirrré un dosage... »

Elle maudissait son profond accent slave mais pour une fois ne prit pas la peine de réessayer de reprendre sa phrase. Elle essaya plutôt d'ignorer les quelques vapeur qui  s'échappaient par intermittences du chaudron en argent. Pour la première fois de sa vie, Hermia Milosevic priait de tout son cœur pour s'être trompée. Elle priait aussi pour qu'Alexis ne soit pas d'accord avec elle et lui dise qu'elle se plantait totalement, et que tout allait parfaitement bien.

Quelque chose dans le regard de sa partenaire lui fit comprendre avant même qu'elle ne parle que le bon Dieu – ou qui que ce soit d'autre – n'avait pas entendu ses prières. Ou alors il avait catégoriquement décidé qu'il en avait rien à foutre. Elle jura mentalement contre cette injustice. C'est qu'elles ne travaillaient pas vraiment sur quelque chose d’inoffensif et elle aurait apprécié que le ciel ne les laisse pas totalement en plan. Sauf que c'était toujours quand elle avait besoin d'aide qu'on la laissait en plan. Elle avait perdu le fil de temps et pour tout dire elle ne se rappelait même pas de la dernière fois qu'elle avait mangé ou même seulement eu faim ou soif. Hermia adorait les potion.Elle avait toujours été douée en la matière et pour tout dire les poisons la fascinaient totalement. Il y avait une parfaite subtilité dans leur confection qui la faisait sentir comme au dessus de tout. C'était quelque chose de complexe et minutieux qui mobilisait l'ensemble de ses capacités intellectuelles et la maintenait dans un état de stase concentrée qu'elle ne retrouvait nulle part ailleurs. Elle avait longuement hésité à prendre un maître pour commencer son apprentissage en Potion et devenir elle-même maître par la suite. Sa passion pour l'histoire avait contrebalancé l'idée et elle avait sauté sur cette option histoire de se dire qu'elle ne se coupait pas totalement de ce monde fermé et très sélect if.

« – Herm... Ça doit faire plus de zept heures qu'on travail zur ce foutu poison... et depuis trois heures il a cette teinte étrange...»

Alexis la fixait les yeux rougis par les émanations qui fusaient hors du chaudron. Elle carra la mâchoire cependant qu'elle mettait de côté la possibilité qu'elles soient toutes les deux daltonienne. Elles avaient toujours eu une vue parfaite et une maîtrise totale de la situation avant ce jour précis. Elle ne voyait pas par quel miracle elles auraient pu perdre cette faculté simultanément.

« – Eh bien, quelle merrrde d’Hippogrrriffe ! » dit-elle après une analyse consciencieuse de leur désastreuse situation.

Son cerveau semblait embué, perdu quelque part, retenu dans des ancrages indéfini et refusait de se mettre en marche ou bien même de penser de manière cohérente. En pareilles circonstance et de la manière habituelle il y avait bien longtemps qu'elle aurait jeté un « evanesco » à la potion avant que celle-ci ne cause plus de ravages que prévus. Mais si cette idée effleurait sa conscience son corps refusait de s'y plier. Cela semblait être un genre de brouillon d'idée. Presque insensé et sa baguette resta sagement dans ses cheveux.

« – Zinon, on ajoute l'ellébore – qui n'est pas sur le protocole, mais qui pourrait verbessern notre poison et le rendre d'autant plus efficace?»

Normalement la Serbe aurait du hurler à l'inconscience et repousser immédiatement cette idée absurde mais sur l'heure elle la trouvait tout bonnement hilarante et dans un gloussement incontrôlé elle invita son amie à lâcher les feuille dans la mixture qui se mit à produire de gros bouillons et une étrange fumée tirant sur le violet foncé. Elles auraient vraiment du faire quelque chose, comme – par exemple – sortir de cette maudite pièce ou essayer de ne pas respirer cet air empoisonné par leurs propre soins crier à l'aide..n'importe quoi d'autres mais elles auraient du agir ! Pour autant, la seule chose que la slave semblait capable de faire s'était rire comme une enfant. Elle cru même un instant qu'elle allait se pisser dessus. Elle regardait avec amusement la brume colorée comme si ça avait été un putain de nuage en barbe- à-papa et pas une espèce de substance toxique qui menaçait de leur faire péter la cervelle.

« – On..héhéhé...dirrrait ma sœurr avec une barrbe ! Haha dans sa rrrobe de marriée en plus ! »

Elle montrait un amas de fumée d'un indexe insolent. Amas qui ne ressemblait probablement à rien de plus qu'un nuage inquiétant d'un point de vue objectif. Elle referma le bouquin de potion avec violence et leva ses yeux aux pupilles dangereusement dilatées vers son amie avant de lui offrir un sourire ravageur. Celui qu'avaient les gosses avant de faire une connerie. Elle pouffa de rire et se dandina d'une jambe sur l'autre avant d’étaler tout ce que contenait son nécessaire à potion sur la paillasse. Elle farfouilla négligemment avant de trouver des œufs de doxys et même des pistils d'aconit. L'air tout à fait sérieux elle les écrasa ensemble et les réduit en poudre avec un pilon de bois.

« – Tu veux essayer avec ça ? Avec l'aconit on devrrait même rrréussirr à empoisonner un loup-garrrou ou rrrendre dingue une saloperrrie de vampirres. Tu sais qu'il y en a dans mon pays ? Pas trrès loin de mon école... »

Elle divagua un moment sur le fait qu'une de ses camarades en troisième année avait été séduite par un vampire lors d'un voyage scolaire dans les carapates et que d'ailleurs elle avait disparu au court de l'été cette même année la rumeur disait qu'elle avait rejoint le vampire et qu'il l'avait bouffée.

« – Et les œuf de doxys parrrce que j'ai encorrre jamais eu l'occasion de les utiliser cette année... »

Elle rit alors même qu'elle ne se trouvait pas drôle. L'idée de suivre le protocole ou même le fait qu'elle risquaient de se blesser elle—même semblait bien loin désormais.

Elle tendit le drôle de mélange à Alexis pour qu'elle l'ajoute si elle le désirait cependant qu'elle cherchait ce qu'elles pouvaient ajouter d'autre. Expérimenté n'était non plus interdit, n'est-ce pas ?

On avait toujours dit d'Hermia qu'elle était une jeune fille bien sous tout rapport. Plutôt bien née – en dépit de son sang moldu – enfant vive et intelligente, sorcière brillante, se passionnant très naturellement pour de nombreux sujets, très soucieuse de la sécurité et encline par nature à respecter les règles et les protocoles. Pourtant il aurait été très facile d'en douter en la regardant agir devant son chaudron. Ses éclats de rire, sa façon totalement désordonnée d'éparpiller des ingrédients sur la paillage et sa manie de rajouter tout ce qui lui tombait sous la main au mépris du danger. Ça n'était n'était pas qu'elle se fichait du danger, certainement pas. En réalité elle avait toujours fait son possible pour éviter les ennuis et mener une petite vie tranquille. La seule chose qu'elle n'avait pas pu empêcher ça avait été la rencontre avec son futur beau-frère et, honnêtement elle espérait que ce genre de situation ne se présenterai plus à elle.

Non c'était simplement qu'elle ne se rendait tout simplement pas compte du fait que quelque chose n'allait pas. Prise dans les affres de son propre cerveaux, elle avait complètement décrocher de la réalité et se sentait comme dans un rêve. Avait la sensation de vivre les événements en simple spectatrice, comme si son corps ne lui appartenait pas et ne lui avait jamais appartenu. Alexis de son côté semblait trouver la situation au moins aussi amusante puisqu'elle s'empressa de jeter un morceau de branchiflore dans la mixture à l'odeur nauséabonde. Les émanation toxiques ne leur permettait pas de reprendre corps avec la réalité et, peut-être n'en avaient-elles pas envie ? Hermia était par nature une personne sage, peu encline à faire des vagues et c'était comme si tout ce qu'elle avait bridé dans son intérêt propre jusqu'à ce jour se manifestait enfin de manière exacerbée. Comme un millier d'insulte en Serbe qui cherchaient le chemin de la sortie s'entrechoquaient et fusionnaient ensemble pour donner des mots dont même les autochtones n'auraient pas saisit le sens.

L'un dans l'autre laisser une place à l'expérimentation leur apprendrait de nombreuses choses à leur réveil, pour peu qu'elle se souviennent de ce qu'elles avaient pu mélanger. S'emparant de la cuillère en argent la slave remua vivement le contenu de leur chaudron suivant un schéma en forme de huit qui aurait fait hurler de colère leur professeur mais la jeune femme s'en moquait profondément et pour peur qu'elle imagina justement ledit professeur au bord de la crise d'apoplexie se fut suffisent pour faire redoubler ses rires.

«Hermia!  Je crois que ce serait vraiment une bonne idée si tu pouvais nous trouver le vampire mangeur de p'tite fille! Et en attendant, pour se faire belle, on pourrait faire refroidir notre nouvelle concoction magique et s'en faire un masque de beauté par la suite.  Je suis certaine que ça va être géniale!  Mr. Vampire ne pourra pas nous résister et ça sera lui qui sera à notre mercie, c'est certaine!  Et puis quoi, j'ai jamais vu de vampire moi c'est totalement injuste!  Pas de vampire, pas de lycan, pas de harpie, pas de goule! »

Elle fit des grands gestes de main fort peu gracieux, comme si elle n'arrivait plus à contrôler ses mouvements ( et c'était probablement exactement ce qui était en train de se produire à la vérité) comme pour marquer une forte désapprobation face à cette affirmation. Elle parla un moment, des chuchotis probablement en Ukrainien ou en Serbe, elle même ne se souvenait plus et elle était si familière de ces deux langues qu'elle ne différenciait pas toujours. Il lui fallut un moment pour retrouver le sens de sa phrase en anglais et tenter de la traduire.

« – Je ne pas.....sûrrre...Il habiter...montagne carrrapates... Je ...pas sûrrre...pas cheminée là-bas...forrêt ...tu comprrendrre ? Peut-êtrr Hibou....mais plus lent...il pas arriver avant longtemps...Une goule...dans mon école...mauvaises fille devoirr ...nourrirr....sentirr trrès mauvais !...Jamais vu Harrrpie ni Loup-garrrou....Dirrrecteur Prrétendrr rrrassemblement Lycan ...forret prrès de Kiev...Je aller une fois...seulement à Kiev... »

Forcément son anglais ne s'améliorait pas avec les hallucination et pour tout dire elle ne souvenait pas avoir parler aussi mal depuis des mois et des mois. Elle secoua vivement la tête avant de se remettre à remuer leur poison. A la vérité rien n'avait probablement jamais aussi porté aussi bien ce nom que ce qu'elles avaient créé dans leur délire, sans doutes. L'air très sérieux elle se tourna vers l'Allemande.

« – Devoirr trrrouver cobaye pourrr test maintenant. Toi ...idée ? »

Mois de mots. Elle avait la langue pâteuse et la tête qui tourne, mais très loin l'idée de se plaindre. Elle avait vraiment l'impression que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.