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Leona se laissa faire docilement tandis qu'Oswald arrangeait son pull. Elle se blottit contre lui pour sortir du château. Elle avait envisagé sa tenue pour rester en intérieur, aller de sa chambre au cours avec éventuellement un détour par le Sort-Thé-Lège ; elle frissonnait dans le froid de la rue et en profita pour se coller davantage encore à son compagnon.

A l'approche de l'auberge du Boobrie, une délicieuse odeur de nourriture assaillit Leona. Elle reconnaissait une odeur de viande mais aussi celle, plus appétissante, d'un gâteau sorti du four. Le mélange était curieux, mais elle avait si faim qu'il ne la dérangea pas.

Le passage de l'extérieur à l'intérieur assomma un peu la jeune femme, mais la chaleur était bienvenue. Elle enleva de nouveau son pull et, plus lucide que tout à l'heure, le fourra dans son sac. Elle prit la main d'Oswald et l'emmena s'asseoir à une petite table tranquille à côté de la cheminée. L'auberge, comme les quelques autres fois où Leona y était allée, était loin d'être pleine.

Un serveur s'approcha de leur table et la jeune femme commanda un fish and chips. Pour patienter, il leur apporta des biscuits apéritifs qu'elle grignota avidement. Enfin, elle put reporter son attention sur son ami.

« Alors, dis m'en plus Oswald... Qui est ce mystérieux jeune homme que j'aurais croisé dans d'autres circonstances ? »

Le froid de l'extérieur et maintenant les biscuits contribuaient tous deux à faire descendre l'alcool, et elle sentait déjà sa tête plus claire. Cerise sur le pudding, le serveur leur apporta une carafe d'eau.

« Pour traîner au Sort-Thé-Lège, j'imagine que tu dois être étudiant à St. Barnaby ? »

Plus sobre elle avait arrêté de se pendre au cou d'Oswald, mais elle continuait tout de même à le fixer avec un sourire enjôleur.

À la voir ainsi enthousiaste à l'idée de se' remplir la panse, Oswald se felicita de son initiative.

Il profita qu'elle soit occupée à choisir une table – et à l'atteindre sans encombres, pour s'adresser discrètement à l'aubergiste, souhaitant régler d'avance pour le dîner, un éventuel petit-déjeuner et une chambre double.

À cette demande l'aubergiste leva un sourcil interrogateur et répéta.

« Double. Avec un seul lit double. »

Il s'accouda sur le comptoir et se pencha un peu plus vers lui.

« Votre amie, reprit-il avec une hostilité certaine dans la voix, et vous même, devriez avoir des chambres séparées n'est-ce pas... Miss ? »

La réalité frappa Oswald en plein cœur. Après tout, il n'était ni expert en travestissement, ni métamorphomage, il n'était pas étonnant qu'une personne y ait vu clair dans son jeu. Mauvais karma, il fallait que cette personne soit un conservateur et l'aubergiste. D'ailleurs, où était la fille de d'habitude, elle n'aurait pas rechigné pour un sou, elle. Il était rarement confronté à l'homophobie dans le monde sorcier, mais cela lui était déjà arrivé et il voulait en finir au plus vite.
Il le rejoint de l'autre côté du comptoir et lui suggéra d'une voix mielleuse.

« Je suis sûre que Monsieur est très fatigué ce soir »

Ce faisant, il fit sortir de sa poche une petite liasse de billets.

Ou bien cette somme était insuffisante ou bien l'aubergiste ne mangeait vraiment pas de ce pain là. Quoiqu'il en soit, il se redressa d'un air outré, posa ses poings sur ses hanches pour se donner une meilleure contenance et même, eut le culot de monter le ton.

« Figurez-vous, MISS, que je suis plus qu'habitué aux cas de votre genre et aux heures tardives et que je...

-Oh fermez-là ! l'interrompit Oswald. On se fiche de vos heures de sommeil et vous le savez très bien...
Mais ce que nous savons tout aussi bien, et ce faisant, il appuyait avec insistance la pointe de sa baguette sur la bedaine saillante du bonhomme, c'est que vous ne voudriez pas d'un scandale ici, en l'absence de votre supérieure. »

Il marqua une pause pour jeter un coup d'oeil à une Leona, pleine d'appétit, puis reprit.

« Vous allez prendre cet argent SIR, avant que je ne me montre dur avec vous. »

L'aubergiste empocha l'argent sans un mot. Rassuré de ce changement d'attitude, Oswald s'éloigna avec un large sourire. Mais il pensa tout de même à ajouter, d'une voix suave.

« Et nous souhaiterions avoir notre petit-déjeuner au lit demain matin. »

Par la suite le serveur s'était montré aux petits soins avec Leona, sa commande était rapide et on lui amena des petits biscuits apéritifs, ce à quoi il adressa un hochement de tête approbateur. Puis il put se concentrer tranquillement sur les questions qu'on lui posait.

« Je suis ce garçon, fit-il avec une moue ironique, qui est resté dans l'ombre en attendant son tour... »

Il prit une pose théâtrale en disant ces mots.

« Je plaisante bien sûr, mais cela aurait été vrai si tu ne m'avais pas remarqué si tôt ! Et ne t'inquiète pas tu ne pourrais pas te souvenir de la façon dont nous nous sommes croisés. Je volais au dessus du campus, lorsque j'ai aperçut cette petite chose.. bleue ! Malheureusement je m'y suis pris trop tard pour l'attraper, dit-il en passant les mains dans les cheveux de Leona, mais je savais bien que ce serait un magnifique spécimen. »

Leona avait alors commandé un fish and chips et même si elle n'avait encore rien mangé, elle paraissait avoir un peu décuvé, ou bien était-ce la lumière blafarde du sor-thé-lège qui l'avait induit en erreur, quoiqu'il en soit il était réconforté de voir ses joues se rosir dans la chaleur de l'auberge et ce, même si cela risquait de nuire à son déguisement.

« Pour traîner au Sort-Thé-Lège, j'imagine que tu dois être étudiant à St. Barnaby ? »

« Oh rien de passionnant, je viens d'être transféré de l'UMA, je m'y suis pris trop tard pour mon semestre et St-B accepte bien plus facilement les retardataires dans mon genre. En fait, je me plais mieux ici. Je suis persuadé que la raison ta présence ici est bien plus intéressante ? »

Même en connaissant l'ensemble des réponses aux questions qui allaient venir, il se replongeait avec allégresse dans cette curiosité de leur premier rendez-vous. Il lui posa de nombreuses questions à son sujet. Où aimerait-elle voyager ? appréciait-elle les cours ici ? Qui étaient les gens avec qui elle traînait ? Que faisait-elle de son temps libre ? Sortait-elle souvent, comme au sor-thé-lège ? Pourquoi ? Que cherchait-elle ? Etait-elle heureuse ? Célibataire ?

« Mais ne te sens pas obligé de me répondre, tu dois être fatiguée... »

Leona haussa un sourcil devant le discours sibyllin du jeune homme. Resté dans l'ombre en attendant son tour ? Il semblait plaisanter, mais elle ne comprenait pas pourquoi il plaisantait de cette façon. Que sous-entendait-il ? Elle lui offrit néanmoins un petit sourire lorsqu'il parla de ses cheveux bleus. Elle aurait dû savoir qu'elle se voyait même du ciel.

Finalement le garçon l'éclaira un peu plus sur son cas, lui disant qu'il avait été transféré de l'UMA. Elle haussa à nouveau un sourcil.

« C'est bizarre de devoir se réinscrire à chaque semestre. Beaucoup d'étudiants doivent se faire dégager. C'est pour vérifier votre motivation ou tu as juste eu des problèmes administratifs ? »

Le serveur apporta son fish and chips ; Leona le remercia d'un sourire et prit aussitôt une frite à grignoter, puis offrit à Oswald de piocher dans son assiette. Elle étudia le jeune homme en réfléchissant à sa question.

« Je ne suis pas sûre que la raison de ma présence ici soit si intéressante. Je n'aime pas les grandes structures comme l'UMA. Et puis... » En pensant à la vraie raison, son visage se tordit. « Ces temps-ci je ne pense pas que Londres soit un endroit très sûr pour une sorcière née moldue. »

L'explication paraissait insignifiante mais, sans l'alcool, elle ne l'aurait jamais prononcée. C'était la première fois qu'elle avouait aussi ouvertement sa peur de la montée du Lord Noir. Pour ne plus y penser elle serra la main d'Oswald au dessus de la table et recomposa son sourire.

Les autres questions furent plus faciles : elle aurait aimé voyagé un peu partout mais d'abord en Suède, le pays d'ABBA, d'autant que la langue suédoise l'intriguait ; elle aimait beaucoup les cours ici, l'ambiance était bonne et les professeurs dynamiques ; elle traînait avec beaucoup de monde, peut-être spécialement Aglae et Adenora ; elle aimait lire et danser, sortait souvent, parce qu'elle aimait la fête et la séduction ; elle était plutôt heureuse, oui, même si... préoccupée ; et éternelle célibataire.

« Oh, ça va » répondit-elle finalement lorsqu'il lui dit qu'elle devait être fatiguée. « Je suis barmaid à la Banshee, j'ai l'habitude de veiller tard. » Elle bâilla néanmoins. Elle avait fini son plat et une sorte de torpeur venait de s’abattre sur elle. Une torpeur heureuse et sensuelle. « Quoique... peut-être devrions-nous aller nous coucher. »

Elle se pencha vers lui et effleura ses lèvres des siennes.

« Comme tu viens d'arriver j'imagine que tu loges ici ? Ou au château ? »

Ils se levèrent ensemble, Leona ne quittant les lèvres d'Oswald que pour embrasser ses joues et son cou. Il avait la peau très douce. Elle ne remarqua pas l'aubergiste qui leur lançait un regard haineux.

En continuant de s'effleurer, les mains, les bras, le cou, le visage, ils montèrent jusqu'à la chambre. Leona jetta Oswald sur le lit, un peu brutalement, et s'interrompit un instant pour savoir s'il allait bien. Elle lui sourit d'un air complice avant de recommencer à l'embrasser.

Elle lui mordilla légèrement le cou et égara sa bouche vers sa clavicule, l'effleurant de ses lèvres humides. Elle caressa son ventre musclé sous sa chemise puis remonta la main pour la déboutonner, trouvant un petit sein doux et... un sein ? Après son premier élan qui fut simplement de le suçoter, l'information toucha son cerveau et elle leva les yeux vers Oswald dans un regard interrogateur.

Ce visage lui disait vraiment quelque chose. Elle le superposa à la sensation de sa taille sous ses mains, de la forme de son sein et soudain, elle comprit. Elle balbutia sous la surprise :

« Ophelia ? »

“Ophelia ? ”


En entendant son nom prononcé par des lèvres aimées, Ophelia eut d’abord un frisson de délice. Elle fit l’effort de se redresser un peu, il fallait bien éclaircir la situation. Garder son sérieux était bien inutile et lorsqu’elle fit face à Leona, ses yeux brillaient encore de tendresse et elle ne pouvait effacer de son visage le sourire des amoureux qui se retrouvent. Sa main caressa avec une douceur extrême la joue rouge de celle qui partageait sa couche et en croisant son regard stupéfait elle ne put s’empêcher de rire un peu. Par où commencer ? Oh elle était si belle. Après ce qui lui semblait quelques secondes de silence seulement elle réussit à s’exprimer sans trop rire.

« Oooh . . . On dirait bien que j’ai raté ma surprise ! »

Elle sortit du lit après s’être débarrassée des quelques habits qu’il lui restait et dans lesquels elle n’était vraiment pas à son aise. Elle marcha vers la fenêtre, dans son habit d’Ève. Elle paraissait plus grande encore lorsqu’elle était nue. Il y avait déjà de la buée sur les vitres, c’était, après tout, une petite pièce. Elle ouvrit grand les fenêtres et reçut en plein visage le froid mordant de février. Face à la nuit, bien satisfaite d’être au dernier étage, elle s’étira sans craindre d’être observée. De toute façon, cela lui était égal. Son dos musclé se dessinait nettement et elle sentait le regard de Leona sur elle, attendant des explications tandis qu’elle regardait au dehors. La lune était belle et d’un blanc tirant sur l’argent. Cette lumière serait divine sur le visage de son amante. Elle se retourna vers elle comme pour l’attirer et passa ses mains dans ses cheveux noirs, ils étaient emmêlés, elle les avait coupé n’importe comment, elle s’en rendait compte à présent.  Il était temps d’interrompre sa rêverie, pour elle.

« Je suis désolée, c’était un peu vicieux de ma part ! »

Mais ces paroles étaient accompagnées d’un grand sourire.

« C’était juste un jeu, j’aurais dû me démasquer plus tôt. Ce n’était vraiment rien qu’un jeu. »

Tout en parlant elle avait attrapé son sac de dessous le lit, inutile de le cacher à présent. Elle s’alluma une cigarette et tendit le paquet à Leona puis reprit, dans un mélange de calme et d’espièglerie.

« Donc, Darling, tu veux continuer de jouer ? Mais pitié laisse tomber Oswald, vraiment ce nom est horrible ! »

Elle tira sur sa cigarette, des cigarettes classiques cette fois, elle avait donné son paquet, et interrogea Leona du regard.

Figée par l'incompréhension, Leona laissa Ophelia lui caresser la joue. Elle la fixait, muette, ses yeux posant mille questions. Elle avait encore du mal à croire à ce qu'elle découvrait, à croire qu'elle était dans la réalité et non pas dans un rêve légèrement alcoolisé.

Sa surprise ? Pourquoi lui aurait-elle fait une telle surprise ? Et avait-elle coupé ses cheveux juste pour ça ? En y regardant à deux fois elle vit qu'ils étaient brouillons, comme si la jeune femme avait elle-même passé les ciseaux sur un coup de tête.

Ophelia ouvrit la fenêtre et un courant d'air glaça Leona, qui s'enroula dans le drap. Elle la regarda encore un moment s'attarder dans le froid. De dos, Ophelia était tellement androgyne, musclée, bien bâtie. Un instant Leona regretta qu'il ne soit pas resté Oswald, un joli garçon avec lequel passer une nuit tranquille.

Au lieu de cela... elle brûlait de demander une explication mais ne savait pas comment le formuler sans créer une dispute. La brune s'excusa mais semblait loin d'être contrite, un grand sourire sur son visage.

« Pourquoi ? » lâcha finalement la Sinsear.

La dernière fois qu'elles avaient couché ensemble, Ophelia avait fini complètement détruite en comprenant que Leona ne voulait rien de sérieux. Pourquoi revenait-elle ? Par masochisme ? Etait-elle déjà tellement accro qu'elle avait abandonné toute logique ? Leo prit une cigarette.

« Je... »

La lune effleurait les courbes d'Ophelia, la rendant intensément désirable. Certaines lumières faisaient cela aux corps. Leo avait du mal à garder les idées claires, même si grâce au choc l'effet de l'alcool s'était totalement dissipé.

« Je... Ce n'est pas que je ne veuille pas jouer. Je t'avais promis de ne plus coucher avec toi parce que ça te faisait du mal. Même si on recouche ensemble ce soir, ça ne changera pas que je ne m'attache pas aux gens et que je ne serai pas toujours là pour toi. »

Le formuler ainsi lui donnait l'impression d'être une personne horrible. Ce qui la dérangeait encore davantage était son désir qu'Ophelia lui dise « J'ai changé d'avis, je suis capable d'avoir des relations sans attachement et je veux juste profiter de cette nuit avec toi. » Et son désir tout court. Elle savait qu'elle aurait dû rester ferme mais elle savait aussi que si Ophelia lui disait que ce n'était pas grave, elle oublierait ses principes. Elle tira sur sa cigarette et ajouta d'un air malicieux, pour détendre l'atmosphère :

« Moi j'aimais bien Oswald. »

Son corps était tendu vers Ophelia, elle la caressait déjà en pensée, passant des doigts imaginaires dans la chevelure raccourcie, mais elle n'osait pas la toucher. Elle attendait le verdict, elle attendait qu'on lui fasse croire qu'elle pouvait trahir sa promesse et que tout se passerait bien.