Elle avait l’impression d’avoir les paumes moites. Évidemment, ce n’était pas le cas, puisqu’elle ne suait pas, mais quand même, dans sa tête, c’était une sensation qu’elle pouvait s’imaginer. Et c’était déplaisant. En réalité, elle se souvenait avoir déjà eu la sensation de la sueur sur sa peau. Ça faisait si longtemps, elle n’était qu’enfant. Son corps n’avait jamais eu la capacité de réguler sa température, c’était exactement pour cela qu’elle ne suait pas. Chaque matin, elle prenait une potion qui avait été élaborée afin de lui rendre la vie un peu plus facile, sinon, c’était trop difficile. Non seulement la température extérieure jouait un rôle, mais en plus, elle pouvait vraiment surchauffer, simplement à cause d’un câlin trop long, de trop d’exercice physique, d’être trop énervée. Ça avait prit un moment avant que la potion fonctionne bien, il y avait eu quelques essais ratés et elle se souvenait très bien de ces essais, des effets secondaires et des problèmes qu’il y avait eu. Elle se souvenait bien de cette fois où elle s’était presque déshydratée entièrement à cause d’un de ces essais. Heureusement, ils avaient réussis à concevoir une bonne potion, après quelques temps.
Jamais, jamais, jamais, elle n’oubliait de prendre la fiole de liquide bleu, au goût étrange de vanille et fruits sucrés. En fait, elle avait l’impression que c’était ce qui la gardait en vie, même si en réalité, ça ne faisait que lui faciliter la vie. Chaque matin, elle regardait la potion en repensant à tous les problèmes qu’elle aurait si jamais elle ne la prenait pas et chaque matin, elle avalait le liquide en soupirant de soulagement. Il y en avait toujours des extras dans son sac, il y en avait pour des mois dans son armoire qu’elle gardait barrée à clé et sous sortilège que seul quelqu’un de très doué pourrait briser. Présentement, personne à la fac n’était au courant qu’elle devait prendre ces potions si elle ne voulait pas –littéralement- mourir de chaud. Et elle voulait que ça reste ainsi. C’était un point faible et elle n’avait pas du tout envie que ça se sache. Les potions provenaient d’une personne à Londres, qui les fabriquait pour des mois à la fois, depuis qu’elle était enfant. Elle allait les chercher lorsque le moment se présentait, mais elle devait absolument limiter ses visites dans cette ville. Ce n’était pas un bon endroit pour elle.
Ce matin, lorsqu’elle avait ouvert son armoire, sa première réaction avait été la panique totale. Elle avait brisé des fioles en déplaçant tout, en marmonnant, puis en criant des injures, autant dirigés vers elle-même, que vers la situation en général. Avec colère, elle avait envoyé valser les objets, avant de se mettre à la recherche de son sac, qu’elle vida sur son lit presque violemment. Rien d’autre que les fioles avait de l’importance. Mais malheureusement pour elle et pour les fioles vides qui vinrent se briser contre le sol, il n’y en avait aucune qui contenait le liquide bleu. Non, non, non… Elle ne pouvait pas avoir oublié d’aller chercher les nouvelles potions à Londres. Putain, elle pouvait mourir.
Elle avait d’abord commencé par faire les cents-pas, ses bottes écrasant le verre brisé sans problème. Les idées fusaient sans contrôle dans son crâne, toutes les possibilités, toutes plus impossibles que les autres. Au moins, ce n’était pas l’été, au moins, il ne faisait pas si chaud que ça. Toutefois, il fallait que ça tombe sur une des seules journées où le soleil osait percer à travers les nuages. Bon, elle devait se calmer avant de surchauffer. Faire les cents-pas ainsi n’allait pas l’aider. Après s’être assise sur son lit, elle vint se passer une main sur le visage, en soupirant et en se questionnant sur sa stupidité. Si elle ne s’énervait pas trop, si elle ne bougeait pas et restait dans un endroit frais, ça irait. Mais jamais elle ne pourrait aller jusqu’à Londres dans cet état. Puis elle ne pouvait pas attendre le temps que ça prendre à un hibou pour se rendre et revenir, elle aurait le temps de crever cent fois. C’qu’elle était idiote. Une foutue idiote, oui.
Il y avait une possibilité. Une possibilité affreuse, mais qui risquait de fonctionner. Juste le fait d’y penser lui provoquait un malaise, une colère silencieuse, un frisson. Phillip Harker. Il pouvait fabriquer n’importe quoi, il pourrait probablement lui faire un truc pour dépanner. Mais… Elle connaissait trop bien Harker et si elle pouvait passer une vie complète sans rien lui demander, ce serait parfait. Il était vicieux et la demoiselle savait que trop bien qu’à n’importe quelle opportunité qu’il aurait de demander quelque chose d’outrageux, il le ferait. Sans gêne, il se permettait de faire tout qui pouvait bien lui plaire et le pire, c’était qu’il réussissait à obtenir ce qu’il désirait. Il y avait même des filles qui voulaient consciemment, sans être forcées, être autour de lui. Bande d’idiotes. Elles désiraient même baiser avec lui. La Londonienne savait qu’elle-même avait déjà été… à proximité de lui – sans que ça se rende au sexe, quand même!- et même lorsqu’elle y pensait maintenant, elle s’en voulait. Bon, la drogue et l’alcool avait joués un jeu dans tout ça, mais quand même, elle se trouvait vraiment stupide.
Ce n’était pas parce qu’elle le trouvait physiquement repoussant, au contraire, il avait un certain charme. Ses yeux, son air mystérieux, son petit sourire malin… Oui, ça lui plaisait, mais le problème, c’était tout le reste. Il était si détestable, c’était comme s’il avait été mis au monde pour la rendre complètement cinglée. La majorité du temps, elle avait envie de lui enfoncer la tête dans un mur, encore et encore. Et il y prenait tellement plaisir. De savoir qu’il lui faisait serrer les poings et la mâchoire, qu’il lui faisait utiliser un ton qu’elle n’utilisait jamais. Elle voulait tout simplement lui enfoncer son poing dans la gueule.
Enfin, la jeune femme décida qu’elle devait y aller. Quitte à devoir endurer ses demandes ridicules, ses insultes et probablement ses remarques désobligeantes aussi. Le trajet fut rapide, elle avait suffisamment exploré les passages secrets pour pouvoir s’y déplacer aisément. Elle ne croisa personne –tant mieux- puis bien vite, l’Anglaise se trouvait devant la porte de chambre du dealer. Et si elle allait plutôt à l’infirmerie…? Non, plus d’hôpitaux et d’infirmeries, le dernier séjour avait été suffisamment long pour qu’elle n’y retourne avant très très longtemps. Non, c’était ici qu’elle devait être. Après quelques secondes à considérer de juste se laisser crever, elle vint cogner, avec un soupir bruyant. Voilà, c’était le moment crucial. Est-ce qu’elle avait chaud? Putain, elle était certaine d’avoir chaud. En attendant l’apparition du jeune homme, elle vint se toucher le front du dos de la main, lâchant un juron en sentant sa peau chaude. Elle avait marché trop vite, s’était trop énervée et elle commençait déjà à avoir de la fièvre. Sale journée de merde.
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Lun 7 Oct - 23:47