Ce matin là, elle avait encore ouvert grand ses yeux noisette de bonne heure, avec cette drôle de sensation au creux du ventre, qui la suivait partout depuis quelques jours.

Et pourtant, ce n'était pas faute de s'être couchée tard. Avec toutes ces pensées qui se bousculaient dans sa tête, ces papillons qui semblaient batifoler dans son abdomen et qui venaient lui chatouiller le cœur,  elle ne pouvait tout simplement pas dormir. Après avoir roulé une bonne vingtaine de fois de chaque côté de son lit, sous sa couette, puis au dessus, elle était venue se glisser dans le lit de Bernioff, enlaçant sa camarade de dortoir par derrière, et elle lui avait raconté toutes les informations qu'elle avait jugées importantes de partager avec elle. Russel par ci, Russel par là, comment il lui avait tenu la porte de la bibliothèque, comment il lui avait sourit en la croisant à la cafétéria, comment leurs coudes s'étaient frôlés en passant dans le même couloir. Elle avait continué à parler, jusqu'à ce qu'elle réalise que Bernie s'était endormie, puis elle était retournée dans son propre lit, pour y passer une nuit de sommeil plutôt agitée de songes. Elle ne se souvenait pas de ce dont elle avait rêvé, mais son petit doigt lui disait que le beau californien avait dû y faire une apparition ou deux, à en juger par ses zygomatiques qu'elle trouva endolories à son réveil.

La journée s'était passée comme dans un rêve éveillé, vague, brumeuse, irréelle. A aucun moment la jeune femme n'avait dû se forcer à sourire. C'était en elle, naturellement.

Dès la fin de ses cours, elle s'était rendue au dortoir.
La chambre n°2 de l'aile des filles avait ceci de particulier, qu'elle comprenait une petite pièce annexe à laquelle on accédait par une porte dérobée. C'était le genre de bonne surprise que vous réservait parfois le fait de vivre dans un vieux château.
Lorsqu'elles l'avaient découverte, toutes excitées, Bernie et Marlene avaient décidé ensemble de garder ce petit secret pour elles, et puis il avait fallut décider ce qu'elles allaient en faire.
"Ce sera mon dressing personnel," avait alors décrété Marlene. "J'ai beaucoup plus de fringues que toi, donc c'est moi qui en ai le plus besoin. Si tu as besoin que je te prête une robe, n'hésite pas à me demander, mais s'il te plaît, n'y entre pas."

Le fameux dressing ressemblait plutôt à un genre d'atelier, à une pièce à tout faire. Basse de plafond car sous les toits, sans fenêtres, elle était effectivement en partie réservée au rangement des nombreuses robes de Marlene, mais on y trouvait également un petit laboratoire où trônait un nécessaire à potions, accompagné de fioles emplies de liquides de toutes les couleurs : parme, doré, nacré, cerise, amande...
Marlene vérifia d'ailleurs la consistance de la potion qui reposait dans un tout petit chaudron en plongeant une éprouvette dedans. Le liquide était translucide aux reflets dorés. Si tout se passait bien, elle aurait bientôt un onguent mêlé à une potion d'invisibilité qui lui permettraient de faire disparaître durablement les plus petites imperfections de sa peau. Mais la recette était délicate. Lorsqu'elle serait au point, elle travaillerait ensuite sur une autre formule qui rendrait invisibles aux yeux de tous les kilos superflus qui s'accumulaient sur le ventre et les hanches, mais pas pour elle, bien sûr. Pour la commercialiser, peut-être.

Au fond de cette pièce, on trouvait une psyché, une coiffeuse, et également un tapis sur lequel elle faisait ses exercices. Contrairement à ce qu'elle prétendait, la minceur n'était pas inscrite dans ses gènes, il lui fallait donc l'entretenir régulièrement.

Enfin, il y avait un fauteuil confortable, qu'elle avait dérobé -allez savoir comment- au Sort-THE-lège. Sur son bras, reposait une robe de flanelle lilas aux bordures de ruban pourpre.

La jeune femme en observa les finitions qu'elle venait tout juste de terminer la veille. Elle vérifia qu'aucune aiguille ne traînait encore dans le tissus, puis se déshabilla et enfila la robe, qui lui dessinait une encolure large dévoilant en partie ses épaules, et dont les manches descendaient jusqu'en dessous de son coude.
Une parfaite imitation d'un des modèles de la collection d'hiver d'Amortensia. Seul un expert aurait pu s'apercevoir de la tromperie.

Elle s'assit devant sa coiffeuse, se remaquilla avec soin - un peu de mascara brun sur l’extrémité de ses cils, une touche de blush et une pointe de gloss parfumé à la cerise, puis elle quitta la petite pièce pour se retrouver dans le dortoir, où elle a attrapa son trench en daim couleur ivoire et son petit chapeau cloche assorti, puis elle se mit finalement en marche vers les cuisines.

Elle s'était retourné l'esprit dans tous les sens toute la journée avec cette question : est-ce qu'elle irait finalement le voir, ce soir ? Oui. Non. Peut-être.
Elle avait promis de lui apporter un rafraîchissement, un jour, à son entraînement. Mais n'aurait-elle pas l'air parfaitement idiote si elle le faisait vraiment ? Mais si elle ne le faisait pas, penserait-il qu'elle n'en avait rien à faire de lui ? Et si au contraire, il comprenait tout de suite le crush immense qu'elle avait sur lui, et s'il en profitait pour se moquer d'elle ?

Mais rendue confiante grâce à sa nouvelle robe et à son maquillage sans défaut, elle avait fini par passer par les cuisines où elle s'était procuré deux bouteilles de limonade auprès des brownies, puis, le pas fébrile, elle s'était dirigée vers le stade de Quidditch.

Évidemment, il était là. Quand n'y était-il pas ?
Elle s'approcha lentement du stade, le nez en l'air, observant son bel apollon dans son armure rutilante, bravant les cognards avec force et fierté.
Alors qu'elle s'avançait sur le terrain, les bouteilles de verre tintant l'une contre l'autre dans le petit panier d'osier qu'elle tenait contre elle, éblouie tant par la blancheur du ciel que par les exploits de son amour secret, elle ne vit pas venir ce qui suit : un cognard perdu venait de la frapper de plein fouet sur le côté de la tête.

Les bouteilles de limonade roulèrent dans l'herbe du stade, alors qu'elle-même tombait sur le flanc, sonnée par le choc.

C’était une sensation absolument grisante. Et ç’aurait été très difficile pour le jeune homme d’identifier exactement ce qui lui faisait cet effet lorsqu’il jouait au Quidditch ou lorsqu’il se faisait des petites séances d’entraînement comme celle-ci. Le bruit des balles et des balais à ses oreilles. La  détermination alors qu’il confronte un cognard, lorsque ses doigts serrent le manche de sa batte et qu’il fixe la balle qui fonce vers lui à toute allure. L’expulsion de puissance quand le coup est donné. Le choc ferme  de la batte contre le cognard, l’impact qui résonne dans ses bras, qui fait tendre ses épaules et son dos. Le vent frais et vif qui caresse son visage et sa nuque, les cris d’enthousiasme des gens dans les estrades. Être en contrôle, voler si haut, piquer, faire des figures, autant pour impressionner les autres que pour s’amuser. Et surtout, l’idée de défi. Se donner des objectifs, se pousser toujours plus fort, toujours plus loin, malgré les muscles endoloris, les ecchymoses, les éraflures, les lèvres fendues. S’épuiser et en être fier. Pas que pour gagner – même si on égo prenait très mal autre chose que la victoire – mais pour pouvoir se dire, à chaque soir, qu’il a donné de son meilleur et plus encore.  Il se voyait vraiment faire cela toute sa vie. Enfin, une bonne partie.  Il entendait bien profiter de la retraite plutôt rapide qui venait généralement avec le métier qu’il souhaitait entreprendre. Être entraîneur pour l’équipe américaine, peut-être? Enfin, ça n’était pas le temps de rêvasser. Avant d’être là, il avait des cognards à frapper. Et des cours à réussir, à son plus grand désarroi.

Il eut tout juste le temps de se retourner après son premier coup qu’il vit une balle foncée se diriger vers lui à toute allure, mais cette fois, en prenant une courbe vers le bas. S’il ne frappait pas, il se retrouverait projeté vers le haut et l’impact serait probablement fort douloureux. Il fronça légèrement les sourcils – tic typique de concentration – et, alors que son balai entreprenait une démarche tout droit vers le ciel, l’Américain pencha son corps complètement vers l’arrière, le dos presque allongé sur son balai qu’il tenait toujours fermement entre ses genoux, et tout juste comme il arrivait à être à l’envers dans les airs, il envoya un solide coup de batte vers l’arrière, happant avec puissance le cognard qui menaçait de lui frapper la tête. L’impact du coup força  le balai à se redresser dans sa position initiale, le tout formant une jolie figure de demi-lune qui arrivait toujours à soutirer quelques expressions de surprise à la foule. Et s’il glissait de sur son balai? Et si le coup était mal calculé? C’est qu’en plus d’être un athlète hors-pair, Russell aimait l’idée de donner un spectacle aux fans avides de ce sport qu’il tenait si près dans son cœur. Un vrai showman, et on ne s’en étonnait pas. Et pis, si ça impressionnait la foule, c’est que ça impressionnait des filles. Et si ça impressionnait des filles, bah ça avait tout pour le rendre heureux.

Le jeune homme regardait autour de lui, ses yeux tentant de s’accrocher à une autre balle de fer. Celle qu’il venait de frapper était bien loin et recommençait tout juste sa course pour revenir vers lui. Mais il entendit à ce moment-là un bruit étrange venir du sol. Un coup sourd, un affaissement, du verre brisé. Le blond porta tout de suite son attention sur l’herbe de l’arène et remarqua qu’une silhouette était étendue dans la verdure, un cognard remontant vers le ciel, presque narquois, comme s’il avait fait un mauvais coup. Fuck fuck fuck fuck fuck. C’est tout ce qu’il  pouvait penser alors qu’il sortait sa baguette magique pour briser l’enchantement qu’il y avait sur les balles, celle-ci atterrissant sur le sol et se rassemblant au centre du stade, immobiles.  Il piqua ensuite à son tour vers le sol et arriva tout près de la personne inconsciente, laissant son balai dans l’herbe et levant ses lunettes de sur ses yeux, révélant son air inquiet. Air qui se transforma bien vite en moue terriblement désolée et soucieuse lorsqu’il remarqua de qui il s’agissait. La belle Marlene.  Cette fille qu’il avait, depuis le début, trouvé plus attachante que les autres, plus intéressante, plus jolie. Il n’avait jamais réussi à expliquer son intérêt pour la blonde. Parce que oui, elle essayait trop fort. Et oui, il avait souvent l’impression qu’elle en mettait trop, qu’elle dissimulait des choses. Mais tout ça ne l’avait rendue qu’encore plus adorable à ses yeux et lui avait donné envie de la connaître.  Ses dents lui mordant la lèvre inférieure, Russell s’approcha davantage de la jeune femme et s’agenouilla à ses côtés, retirant en même temps ses gros gants de cuir, les laissant choir au sol à ses côtés.

« Marlene? Oh my god, Marlene, je suis tellement désolé. Tu m’entends? » , souffla-t-il, se voulant rassurant, alors qu’il retirait le chapeau de la Danoise pour constater les dégâts.

Il dégagea les cheveux du visage de la blonde du bout de ses doigts, infiniment délicat, pour mieux voir l’endroit de l’impact et remarqua avec soulagement qu’il n’y avait rien de grave. Rien de cassé, rien d’ouvert sauf une petite plaie juste sous sa tempe, au niveau du haut de l’os de sa joue. Elle aurait très certainement un bleu et possiblement une commotion, mais pour l’instant, ça, il ne le saurait pas. L’Américain sortit sa baguette magique et attira d’un accio son pull qu’il avait laissé dans son casier. Lorsque celui-ci fut à portée de main, il le plia soigneusement et, avec toute la douceur du monde, il éleva la nuque de sa collègue de classe et glissa le vêtement sous sa tête pour qu’elle puisse s’y reposer un peu, confortablement.  Un regard un peu plus loin lui permit de voir les deux bouteilles de verre, l’une d’entre elles bien éclatée dans l’herbe alors que l’autre avait terminé de se vider de son contenu. Son cœur manqua un battement avant de lui tomber dans les talons lorsqu’il comprit; elle venait lui emmener quelque chose à boire, comme elle le lui avait dit.  C’était adorable. Tout simplement adorable.

« Tu ne voudras plus jamais m’emmener des rafraîchissements au stade, maintenant, hm?...» , murmura-t-il, le ton plein de remords, alors qu’il passait doucement ses doigts dans la chevelure de la belle inconsciente.

Quelle honte. Mais quelle honte !

Marlene n'avait jamais été aussi humiliée de sa vie. Confuse et étourdie par le choc, elle ne perçut pas grand chose du monde extérieur pendant quelques secondes, mais elle était très bien consciente, en revanche, à quel point elle devait avoir l'air ridicule. Pendant une micro-seconde, elle se dit qu'elle aurait préféré mille fois retourner à l'époque où elle était laide et invisible, au moins elle n'aurait jamais eu à offrir ce spectacle minable, surtout au garçon le plus craquant de tout l'univers.

Elle tenta mentalement de se redresser, mais ses gestes ne suivirent pas. Elle laissa retomber sa tête sur l'herbe lorsque, désespérée, elle distingua la voix de Russell. Elle ferma les paupières de toutes ses forces lorsqu'il se pencha au dessus d'elle. Peut-être que si elle prétendait ne pas le voir, il ne la verrait pas lui non plus. Peut-être qu'elle pouvait revenir en arrière et faire que cette situation lamentable n'ait jamais eu lieu, rien qu'en l'imaginant assez fort.

Mais évidemment, ça ne fonctionnait pas comme ça.
Et bien loin d'avoir l'air de ne pas l'avoir vue, au contraire Russell semblait se soucier de son sort. Lorsqu'il lui retira son chapeau, elle ne put réprimer un frisson qui parcourut lentement son échine.

Voilà, maintenant elle était toute décoiffée, son manteau était taché d'herbe, et elle sentait ses yeux s'emplir de larmes, ce qui allait probablement ruiner son maquillage. Surtout, elle imagina l'affreux bleu qui allait probablement bientôt apparaître, et songea avec un grand désarroi qu'elle n'avait rien dans tout son attirail pour faire disparaître cette horrible chose de son si beau visage.

Mais lorsqu'elle s’aperçut que Russell, loin d'être dégoûté ou moqueur, prenait au contraire soin d'elle, elle le laissa reposer sa tête sur son pull. Les papillons dans son ventre s'étaient réveillés, et bientôt sa moue fâchée se relâcha, laissant place à une expression plus apaisée, bien que toujours follement gênée.

"Oh non, c'est pas de ta faute," gémit-elle en ouvrant finalement les paupières, avec une faiblesse dans la voix (elle en rajoutait peut-être un peu.)

La sensation des doigts du californien dans sa chevelure était sans doute la chose la plus érotique qu'elle ait jamais éprouvée. Un nouveau frisson la parcourut, mais elle pourrait mettre ça sans trop de problème sur le compte du vent frais. Du moins elle l'espérait. Elle s'était bien assez donnée en spectacle comme ça pour aujourd'hui.

Elle se redressa sur un coude dans l'herbe, non sans une pensée émue pour son manteau blanc qui allait être terriblement difficile à rattraper, avant de s'assoir complètement sur le côté. Son champ de vision était encore brouillé de lucioles, mais ça allait.
Elle se massa le côté de sa tête endolori, faisant bien attention à ne pas grimacer de douleur.
Sans y penser, elle attrapa le pull du jeune homme qui s'était trouvé sous sa nuque l'instant auparavant, et le serra contre elle.

"La prochaine fois je t'offrirai plutôt une boisson au Sort-THE-Lège, ça me paraît nettement moins dangereux."

C'était drôle, au fond, quand elle y pensait.

Jamais elle n'avait été aussi physiquement proche du beau californien (à part peut-être cette fois, au Sort-THE-Lège, où elle avait failli s'évanouir, submergée par un tsuanmi d'émotions, lorsqu'il avait eut l'audace de lui déposer au baiser au creux du cou).

Depuis le jour où ils s'étaient rencontrés, lui semblait-il, elle n'avait eut que cette envie en tête, celle d'être proche de lui. Le toucher, le regarder, écouter sa belle voix grave. Cette envie n'avait fait que croître avec le temps, jusqu'à en devenir une sorte d'obsession, et lorsqu'elle y pensait, cela l'effrayait un peu : si cette obsession continuait de grandir encore, elle finirait par en perdre la raison, elle ne voyait pas comment il en serait possible autrement.

Toutes les priorités qu'elles s'était imposées jusque là -trouver un mari de sang pur, devenir une sorcière respectée et de préférence riche- tout cela lui paraissait lointain et secondaire à présent.

Et pourtant, pourtant, maintenant qu'il avait ses grandes mains viriles et rassurantes posées sur ses épaules, avec ses veines sillonnant superbement ses poignets, maintenant que ses pouces caressaient doucement la peau de son cou, provoquant une série de frissons parcourant son échine jusqu'au sommet de son crâne, elle éprouvait cette furieuse envie de fuir.

La vérité, c'est que non seulement elle n'avait jamais été aussi proche de l'objet de son désir, mais d'un homme en général non plus.
Et elle n'était pas sûre de savoir comment il fallait réagir.

Cependant, lorsque Russell sembla vouloir se rattraper en lui promettant de lui offrir tout ce qu'elle voudrait, ses inquiétudes s'envolèrent, et elle éclata d'un petit rire étouffé alors qu'elle plongeait le bas de son visage dans le pull du jeune homme, parfumé de son eau de cologne, dissimulant le rouge pivoine qui s'imposait sur ses joues.

"Ça me va," rebondit-elle en acquiesçant d'un mouvement de tête, alors qu'elle dégageait son visage pour le redresser vers le blondinet, accrochant son regard noisette encore humide des larmes qui ne s'étaient finalement pas échappées, dans celui, bleuté, de Russell.

Elle ne trouva rien à répondre au fait qu'il aurait aimé siroter un rafraîchissement avec elle, dans les gradins. Et elle donc...
Il lui avait fallu une sacrée dose de courage pour oser venir jusqu'ici, et voilà le résultat catastrophique que ça lui avait apporté !
Elle s'était non seulement ridiculisée, mais en plus elle n'avait plus aucune raison d'être là, puisque les boissons avaient fait leurs adieux, agonisant dans l'herbe du stade. De plus, il lui faudrait bientôt songer à se rendre à l'infirmerie si elle ne voulait pas risquer de voir son précieux visage enfler comme une pastèque.

Mais une décision plutôt surprenante de Russell était venue bouleverser ses plans, si on pouvait appeler ça comme ça : agilement, il l'avait attrapée dans ses bras et soulevée du sol, comme s'il avait fait ça toute sa vie.

Elle eut tout juste le temps d'attraper son chapeau du bout des doigts et, poussant un petit cri de surprise, qui se transforma en un rire franchement amusé, elle reposa son chapeau cloche sur sa chevelure. Puis sa main vint agripper à la tenue de Quidditch du jeune homme, alors que l'autre serrait toujours son pull contre son cœur.

En parlant de cœur, il lui sembla d'ailleurs sentir celui-ci fondre dans sa poitrine lorsque Russell lui demanda de rester avec lui, pour discuter.

"Comme si j'avais le choix !" répliqua-t-elle en riant, ses yeux pétillant d'amusement.

Bien loin de l'air de femme sophistiquée qu'elle aimait se donner, elle avait à ce moment même une bouille de gamine aux joues rosies, et au sourire timide et hésitant.
A cet instant précis, elle avait totalement oublié la douleur qu'elle avait ressentie un instant à peine auparavant, le bleu qui allait probablement naître sur sa tempe, et même les bouteilles de limonade brisées.
Elle tendit une jambe en direction des vestiaires, sa bottine blanche indiquant le chemin.

"Emmène-moi là-bas !" lança-t-elle d'un ton faussement autoritaire. "Et y a plutôt intérêt à y en avoir, de la bièraubeurre, sinon fessée !"