Roméo gravit la dernière marche de l'escalier en bois et pénétra dans l'observatoire. L'endroit était vraiment étrange et magnifique, rempli d'instruments compliqués aux formes baroques, plus ou moins couverts de poussière. Parmi eux, on dénombrait diverses lunettes astronomiques et autres télescopes, des compas et autres outils de mesure aux chiffres effacés, quelques représentations du système solaire qui tournaient lentement sur elles-mêmes. Sur les murs sombres s'étalaient par dizaines des cartes de l'univers, dont les étoiles enchantées brillaient faiblement dans la pénombre, des affiches représentant les phases de la lune, les éclipses des satellites de Jupiter ... Des piles de livres passablement défraichis jonchaient le sol dans un désordre feint. La pièce était sombre, uniquement éclairée par la lumière de la lune filtrant à travers l'immense baie vitrée qui composait d'ailleurs le toit. Le sol était recouvert d'épais tapis à motif astronomiques, pour la plupart couverts de poussière. Le tout était infiniment apaisant, calme et paisible.
Roméo se laissa tomber sur le plancher de bois en soupirant. Il s'allongea aussitôt et leva les yeux vers la verrière. Des milliers d'étoiles. Voilà ce qu'il voyait. Des centaines de milliers de points lumineux qui scintillaient de concert dans le ciel de velours noir. Le métisse se sentait tellement petit et insignifiant, perdu dans cet univers infiniment plus grand que lui. C'était une sensation récurrente chez lui, lui qui ne sentait jamais à sa place nulle part. Cette mélancolie permanente commençait à lui peser, de mêmes que ses réflexions existentielles, lesquelles envahissaient en permanence et sans préavis son pauvre petit crâne. On dirait que cette espèce de maladie, qu'il appelait "syndrome de la membrane cotonneuse" prenait de plus en plus d'ampleur au fil des ans. Peut qu'il finirait complètement insensible au final, errant de par le monde sans but précis, tel un fantôme hagard et désincarné... Charmante hypothèse.
Il était incapable de dire quand cela avait commencé, sans doute peu avant sa rentrée à Poudlard. Il lui semblait en effet se rappeler que la découverte du château et de la vie sorcière ne l'avait pas surpris plus que ça. Pas plus qu'ils ne l'avaient enchanté autant qu'il l'eut cru. C'était de là que ça datait, oui. Et cela n'avait fait qu'empirer au fil des ans. Étrangement sa vie à Poudlard ne lui revenait que par bribes, comme s'il avait déjà oublié les sept années passées en son sein. Le temps passait tellement vite ... c'était tellement déprimant. Roméo avait dix-neuf ans, il ne s'en était pas rendu compte. Son adolescence était agonisante, à quelques pas derrière lui, et l'âge adulte lui tendait les bras. Sauf que le jeune homme n'avait aucune envie de s'y engouffrer! C'était en partie pour cela qu'il était inscrit ici. Afin de ne pas être obligé de rentrer immédiatement dans la vie active, pour quoi faire d'ailleurs . Il avait des notes détestables qui ne lui permettaient pas de trouver un emploi, tout ce qu'il savait faire, c'était traduire les runes. C'est d'ailleurs ce à quoi il s'était employé une grande partie de l'été, afin de réunir un peu d'argent. Il n'avait aucune envie de vivre encore plus longtemps aux crochets de ses parents. Car l'inscription à st Barnaby, c'était aussi couper le cordon avec sa mère, entre indépendant et auto-suffisant, enfin. Que ferait-il une fois ses études achevées ? Il n'en savait fichtre rien. Au moins aurait-il un diplôme un tant soit peu qualifiant.